Après la traversée Nord-Sud du Canada en 234 jours il y a trois ans, l’expédition AKOR menée par Nicolas Roulx s’est lancée dans un nouveau grand défi au nord du 60e parallèle, d’Ouest en Est cette fois, du Yukon au Nunavut en passant par les Territoires du Nord-Ouest.
La précédente expédition historique à peine terminée, qui partait de la base de recherche Eureka au nord de l’Île d’Ellesmere pour rejoindre la Pointe Pelée en Ontario, que ces amoureux du Grand Nord se tournaient déjà vers une nouvelle aventure hors-normes.
Guidé par sa soif d’odyssée, Nicolas Roulx, professeur d’histoire à Québec, souhaitait écrire une nouvelle page de la sienne avec les territoires de l’Arctique, dans la continuité du précédent projet : «Quand on regarde une carte, on voit des lignes. Une ligne, c’est une trajectoire possible, un moyen de se déplacer dans le pays. Au départ, c’est une folie. On se dit : il faut la faire!».
Vélo, canot, voilier, randonnée : une logistique hors du commun
C’est donc une transversale longue de 6900 kilomètres qui a conduit le duo aux deux extrémités du Canada, durant un peu plus de cinq mois.
La première étape menait Catherine et Nicolas sur les routes du Yukon pour 1400 kilomètres de vélo en deux semaines jusqu’aux Territoires du Nord-Ouest. La Flat River en débâcle marquait ensuite le début de la partie canot pour rejoindre la légendaire rivière Nahanni. La plus longue section et certainement la plus difficile avec 2800 kilomètres parcourus jusqu’à Baker Lake, centre géographique du Canada près de la Baie d’Hudson.
«La rivière était encore gelée au début, c’était un vrai défi. Puis la dernière section nous a pris 42 jours en totale autonomie, avec toute notre nourriture et 37 portages à effectuer sur 1000 kilomètres», se rappelle Nicolas Roulx.
Pendant ce temps, un autre équipage avait pour mission de conduire L’Anorak, un voilier de 45 pieds en coque d’acier renforcée d’aluminium, de Québec jusqu’au point de rencontre à Baker Lake.
«Il faut se rendre compte à quel point c’est un exploit sur le plan logistique. Il fallait trouver un bateau alors qu’on ne connait pas du tout ce milieu, un équipage, puis orchestrer tous ces changements de sport», détaille Catherine Chagnon. «Nous étions seulement deux à faire la totalité de l’expédition mais ce sont vingt personnes qui étaient dans l’équipe.»
Arrivés avec un temps d’avance à Baker Lake, les deux compagnons de route ont pu prendre la mesure du défi logistique qu’ils venaient d’accomplir.
L’expédition AKOR a ensuite mis les voiles en direction de Pangnirtung, pour près de trois semaines de navigation à travers la baie et le détroit d’Hudson. L’équipage a finalement mis pied à terre le 26 août pour entreprendre la dernière partie en randonnée dans la vallée Akshayuk, et d’achever ce grand voyage au nord du cercle polaire.
Une arrivée riche en émotions après des mois de préparation et de traversée. «Il y a eu une grosse boule d’émotions au bout du périple», reconnait Nicolas Roulx. «Nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour nous préparer. Je me suis gravement blessé à la jambe au retour de notre précédente expédition. Il y avait beaucoup d’incertitudes. Personne n’était capable de me dire quelles seront les séquelles. Ce n’était vraiment pas gagné, mais j’ai vraiment voulu y arriver, j’ai tout fait pour.»
Pour Catherine Chagnon, qui réalisait sa toute première grande expédition en totalité, la fierté domine : «Je me suis découvert de nouvelles capacités. Je suis tellement fière. C’était beaucoup de gestion d’équipement durant la préparation. C’est vraiment toute la complexité qui m’a marqué dans cette aventure.»
Documenter la croissance des arbres et le changement climatique
Mener une telle expédition dans des territoires nordiques et isolés est une bonne occasion pour faire avancer la recherche scientifique. Catherine Chagnon, chercheuse en sciences forestières, et Guillaume Moreau, professeur au Département des sciences du bois et de la forêt de l’Université de Laval, ont pu collecter des échantillons de bois sur les épinettes à la limite nordique des arbres.
«L’objectif est de mesurer comment la forêt boréale s’adapte aux variations du climat. On prélève des carottes dans les arbres et mesure leur croissance grâce aux cernes.»
Est-ce que les températures de plus en plus chaudes repousseraient cette limite des arbres plus au nord? «C’est un écosystème qui est assez complexe. On pourrait croire que les forêts pousseraient plus vite avec le réchauffement. Ce n’est pas nécessairement le cas», répond la chercheuse, et d’ajouter que l’instabilité climatique et les événements extrêmes tels que les sécheresses ou les coups de gel tardifs ont une grande influence sur la croissance des arbres.
Après quelques jours de repos à Qikiqtarjuaq, le duo a regagné le Sud. Comme en 2021, des projets de récits et de conférences devraient voir le jour. «Mais on a d’abord beaucoup d’affaires à ranger dans nos appartements», ironise Nicolas, mettant un terme à cette nouvelle et belle histoire nordique.