Les températures annuelles dans l’Arctique circumpolaire augmentent de 2 à 3 fois plus par rapport aux températures moyennes dans le reste du monde. Avec le réchauffement continu de l’Arctique, des changements dans la diversité et la répartition des insectes ont été observés.
Dans le cadre de cette étude, l’exposition aux virus transmis par les piqures de moustiques a été mesurée à partir d’échantillons de sang récoltés sur 570 caribous portant des colliers ou récoltés par des chasseurs du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavik. Les résultats de l’étude ont montré que les caribous étaient le plus souvent exposés aux virus dans les TNO (83 %) et au Nunavut (80 %).
« Les caribous se rassemblent en troupeaux et sont particulièrement vulnérables aux piqures d’arthropodes lors de la mise bas lorsqu’ils sont sédentaires », peut-on lire dans l’étude.
L’environnement joue également un rôle, car le caribou boréal, qui est une sous-espèce du caribou des bois (la plus nombreuse aux TNO), fait face à une plus grande exposition aux moustiques. Le caribou boréal reste toute l’année dans des environnements boisés, tandis que le caribou de la toundra et des montagnes migre vers la toundra et des habitats alpins pendant les mois d’été.
« Des températures plus chaudes à des altitudes plus basses et des vitesses de vent plus faibles dans les environnements boisés pourraient augmenter l’exposition aux piqures d’insectes. »
Une surveillance continue
Selon le Dr Naima Jutha, vétérinaire en chef au sein du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, la présence d’anticorps dans les échantillons de sang analysés confirme l’exposition de l’animal à différents virus. Cependant ce constat n’est pas inquiétant dans la mesure où ces virus ne causent pas de problèmes de santé à la faune.
« À ce stade, nous n’avons pas réellement de données suggérant que cela a un impact sur la santé des caribous, mais nous avons des programmes de surveillance des caribous en cours qui collectent des données sur la population et la composition des animaux portant des colliers de télémétrie », déclare-t-elle.
Dans le territoire du Yukon, 45 % des échantillons de sang provenant des hardes de caribous du territoire présentent des anticorps aux virus du sérogroupe Californie. Avec le réchauffement des températures et les changements dans les précipitations, Jane Harms, vétérinaire de la faune de l’Unité de santé animale au gouvernement du Yukon, s’attend à des changements dans la diversité, la distribution et les comportements de recherche d’hôtes des moustiques dans le Nord.
« Étant donné que certains arbovirus (virus transmis aux humains) ont le potentiel d’affecter la santé animale et humaine, nous sommes intéressés à surveiller ces maladies afin de mieux comprendre l’impact sur les populations fauniques et d’être prêts à atténuer les problèmes de santé publique », explique la Dre Harms.
La surveillance des hardes de caribous les plus vulnérables est une priorité pour le gouvernement des TNO qui a mis en place un programme entièrement dédié à la santé de la faune.
« Il est essentiel de recueillir des données et de continuer cette surveillance en partenariat avec des chercheurs d’université », estime Dr Jutha.
Malgré un pourcentage élevé de caribous exposés aux virus, le gouvernement du Nunavut ne recueillit pas de données particulières à ce sujet.
L’abondance des populations de moustiques
D’après l’étude, l’ouest de l’Arctique canadien se réchauffe plus rapidement que l’est de l’Arctique canadien. Le réchauffement des températures est à l’origine de changements dans la diversité, la densité, la distribution et les comportements des moustiques ainsi que les possibilités de transmission d’agents pathogènes. L’augmentation des précipitations pourrait également avoir une influence sur l’abondance des larves, et la hausse des températures pourrait favoriser le développement et le taux de survie des moustiques dans le Nord.
Pour le Dr Jutha, il est important de surveiller à long terme l’abondance des populations de moustiques : « il s’agit davantage d’enquêter sur les réservoirs potentiels. Cela étant dit, nous ne pouvons pas pleinement comprendre cela sans une surveillance continue afin d’essayer de mesurer ces effets potentiels (sur la faune). »
Le gouvernement du Yukon surveille également de près la présence et l’abondance de ces insectes qui soulèvent des inquiétudes.
« Nous avons des craintes quant aux changements dans la répartition des arthropodes. Ces changements environnementaux peuvent faciliter la reproduction et la prospérité des arthropodes, tels que les moustiques, dans de nouvelles régions », affirme le Dr Jutha.
Les ours polaires sont aussi touchés
L’étude apporte également des résultats suite à l’analyse d’échantillons de sang provenant d’ours blancs de la côte ouest de la baie d’Hudson et du nord du Nunavik. Les ours femelles qui ont tendance à rester dans les régions où les buissons sont plus abondants sont aussi plus vulnérables aux piqures de moustiques, qui sont plus abondants que sur les côtes.
La ségrégation estivale des ours polaires selon l’âge et le sexe pourrait expliquer en partie pourquoi les femelles et les ours adultes plus jeunes étaient plus exposés aux virus selon l’étude. La baie d’Hudson est libre de glace pendant l’été et l’automne, forçant les ours polaires à demeurer sur la terre ferme pendant 3 à 4 mois.
Lorsqu’ils sont à terre, les mâles adultes se trouvent généralement dans les zones côtières plus sèches, tandis que les femelles adultes avec leurs petits et les femelles gestantes, contraintes de rester à terre pendant 8 mois, se déplacent vers l’intérieur des terres composé de tourbières.
« Les tanières sont construites dans des dépôts de tourbe à proximité de sources ou la stagnation de l’eau explique probablement l’exposition accrue des femelles et des jeunes ours aux piqures de moustiques », peut-on lire dans l’étude.
Des études à long terme
Les auteurs de l’étude présentent leurs résultats comme préliminaires pour la surveillance future des virus transmis par les moustiques. Il est nécessaire de poursuivre les études pour déchiffrer la dynamique de propagation des maladies à transmission vectorielle dans les régions connaissant un changement climatique important.
« Une future surveillance soutenue des virus du sérogroupe Californie et d’autres arbovirus fournirait des informations supplémentaires pour mesurer les risques pour la santé des humains et de la faune, fait important pour la conservation », indique la conclusion de l’étude.