Le Festival international du film du Nunavut a été le théâtre d’une grande première à l’occasion de sa 5e édition. D’une durée de 55 minutes, le documentaire « The White Gold of Greenland » se penche sur les relations coloniales entre le Groenland et le Danemark.
Réalisée par Claus Pilehave et Otto Rosing, l’œuvre traite de l’exploitation danoise pendant plus de 130 années d’une mine de cryolite à Ivittuut, sur la côte ouest du Groenland ainsi que les sommes colossales qu’elle a générées.

Le Festival international du film du Nunavut Aulajut a présenté 55 œuvres cinématographiques pendant cinq jours, dont « The White Gold of Greenland »
Déprogrammé de la chaine nationale danoise
D’après le documentaire, les sociétés minières danoises opérant au Groenland auraient extrait l’équivalent d’une somme de 54 milliards d’euros de cryolite entre 1854 et 1987, sans réinjecter une grande partie de cette richesse dans l’économie du Groenland.
Diffusé en février 2025 sur la chaîne publique danoise DR, le film a suscité une grande controverse au Danemark, jusque dans les sphères politiques, cristallisée notamment autour des bénéfices financiers réalisés avec l’extraction du minerai critique. Face au tollé, le rédacteur en chef de DR, Thomas Falbe, a été contraint de démissionner. Pour le producteur du film, Michael Bévort, cette annulation a représenté « une véritable gifle ».
La diffusion du documentaire est survenue au moment où Donald Trump menait des opérations de déstabilisation au Groenland, avec l’objectif assumé de prendre le contrôle de ce territoire arctique et ainsi pouvoir accéder à ses riches minéraux et à ses routes maritimes stratégiques.
Holly McCann gestionnaire de projet à la Nunavut Bilingual Education Society (NBES) explique que l’organisation a découvert le film grâce à une campagne sur les réseaux sociaux autour de son retrait. Un contact avec l’équipe de production du documentaire a ensuite été réalisé pour entamer les démarches permettant sa diffusion. Dans sa mission, le Festival Aulajut est désireux de soutenir les cinéastes groenlandais et présente régulièrement de nouveaux films et documentaires du Groenland chaque année. « Avec l’attention internationale accrue portée au Groenland, en particulier à la lumière de l’intérêt mondial pour ses ressources minérales, “The White Gold of Greenland” a offert un aperçu historique de ce qui s’est déjà passé et a donné l’occasion à ceux qui se trouvent à l’extérieur du Groenland et du Danemark de mieux comprendre les profondeurs de l’extraction des ressources dans le Nord ».
Avant sa diffusion au Nunavut, le film a été projeté à Nuuk et à Copenhague. Pour l’instant, il demeure indisponible au Groenland.
Un récit qui rejoint les Nunavummiut
À l’écoute du documentaire, Holly McCann souligne qu’autant les organisateurs du festival que le public ont ressenti le même sentiment de choc et de tristesse :
« Le documentaire aborde des histoires complexes et douloureuses qui sont non seulement groenlandaises, mais aussi familières à de nombreux habitants du Nunavut ».
Pour le producteur du film, il était très important que l’œuvre soit projetée sur le territoire.
« Je suis convaincu que les Nunavummiut reconnaissent le conflit entre colonisateur et colonisé et comment il peut être difficile d’exprimer des vérités indésirables. »
Puisque le Nunavut a aussi son histoire en lien avec l’extraction des ressources et des minéraux, NBES a aussi pensé que les Nunavummiut s’identifieraient au film et apprécieraient l’occasion de réfléchir à ces réalités communes.
Holly McCan estime que le documentaire met en lumière les effets à long terme des actions coloniales menées sans le consentement des communautés autochtones et que cela reflète l’histoire du Nunavut avec la colonisation et les défis continus liés à l’extraction des ressources sur le territoire.
« Nous espérions présenter ce documentaire à Iqaluit et offrir un espace de dialogue et de conversation. Le film renforce l’idée qu’il ne s’agit pas d’histoires isolées ; elles font partie d’un schéma plus vaste que les collectivités du Nord sont encore en train d’étudier ».