Une ambiance particulière plane sur Iqaluit et le Nunavut, ce lundi 28 avril. « C’est un jour excitant ! » lancent deux électrices à la sortie du bureau de vote, installé au Cadet Hall. Près de 21 000 nunavummiut avaient rendez-vous pour s’exprimer dans les urnes, et élire leur représentant à Ottawa dans cette 45e législature. 36,6% des électeurs se sont déplacés, un chiffre en hausse par rapport à 2021, mais largement inférieur au taux national de participation qui est de 67%.
Le franc soleil qui régnait s’effaçait progressivement en fin de journée, laissant place à un contraste saisissant : celui d’un ciel noir comme de l’encre, et le blanc de l’épaisse couche de glace qui recouvre encore la baie de Frobisher. Comme un signe précurseur de la soirée à venir au Nunatta Sunnakkutaangait Museum, où l’équipe de campagne de Lori Idlout (NPD) avait pris ses quartiers pour y suivre les résultats.
« Au Nunavut, les gens votent pour une personne, pas pour un parti »
Alors que les premiers résultats tombent dans les circonscriptions atlantiques, l’heure de la fermeture des bureaux de vote sur l’ensemble du Nunavut se fait attendre, synonyme d’une fin de campagne intense et éprouvante. Confiante, Lori Idlout et son équipe suivent chaque actualisation sur téléphone portable, tandis que la couverture spéciale déployée par CBC est projetée sur le mur via rétroprojecteur. Des applaudissements résonnent lorsque le compteur du NPD se débloque enfin dans les projections de la chaîne publique anglophone.
Lori Idlout et son équipe de campagne surveillent les actualisations des résultats, lors de la soirée électorale organisée au Nunatta Sunnakkutaangait Museum.
Dans un climat plutôt décontracté, l’entourage de la députée sortante accepte de revenir sur ces dernières semaines de terrain :
« Atteindre les communautés et porter notre message dans un si court laps de temps était le plus difficile. Mais Lori a fait un travail incroyable ces dernières années et les gens en sont reconnaissants. Au Nunavut, les gens votent pour une personne et non pour un parti. »
Les premières données tombent et sans véritable surprise, Idlout fait la course en tête. Toutefois, on se méfie d’une percée conservatrice représentée par James T. Arreak qui a réuni ses partisans à l’hôtel Aqsarniit. Le candidat conservateur est en embuscade en début de soirée, loin devant la libérale Kilikvak Kabloona qui connait quant à elle un départ plus délicat, voire inattendu.
Coupure de courant … et une dynamique qui s’inverse
Les premières estimations concernant Pierre Poilievre à Carleton sont accueillies par de larges sourires dans les rangs du Nouveau Parti Démocrate à Iqaluit. Le leader conservateur accuse alors plusieurs milliers de voix de retard sur son adversaire libéral Bruce Fanjoy et se dirige tout droit vers une défaite. La première grosse surprise de ce scrutin.
La tendance au Nunavut permet au clan Idlout de laisser exprimer son optimisme au fur et à mesure des remontées partielles, dans une salle parsemée de ballons oranges. 50%, 48%… jusqu’à ce que la soirée prenne un nouveau tournant aux environs de 23 heures. La ville entière est plongée dans le noir à la suite d’une coupure de courant, perturbant par la même occasion le dépouillement en cours et la publication des résultats.
Au retour de la lumière, une certaine tension se fait de plus en plus ressentir. Kilikvak Kabloona opère une véritable remontée pour revenir sur les talons de Lori Idlout en fin de soirée. Le conservateur James T. Arreak se retrouve définitivement distancé. Le duel attendu par les sondages entre le NPD et le Parti Libéral du Canada a donc bien lieu. Même si l’espoir et l’optimisme restent de mise sur le territoire, le sort des néo-démocrates à la Chambre des communes est définitivement scellé par la perte de 14 circonscriptions. Avec seulement 7 sièges obtenus, le Nouveau Parti démocratique perd son statut de parti officiel à Ottawa.
Non sans émotion, Lori Idlout écoute avec attention le discours de Jagmeet Singh, tantôt debout, tantôt assise. Lourdement battu dans son comté de Burnaby en Colombie-Britannique, le chef du NPD annonce sa démission et ouvre la voie à sa succession, endossant la responsabilité de cette débâcle pour la gauche.
En ballotage favorable pour sa réélection, Lori Idlout assiste à la démission en direct de Jagmeet Singh, chef du NPD, lourdement battu dans son fief à Burnaby, en Colombie-Britannique.
Victoire d’un souffle
Les minutes, les heures passent. La fatigue s’installe sur les visages. L’avance de la députée sortante fond comme neige au soleil. Les déclarations à la presse sont reportées peu après minuit. Aucun commentaire ne sera fait avant la tombée des résultats officiels. À 2 heures du matin, tout le monde est invité à quitter les lieux. Avec 2253 voix, Lori Idlout n’en comptait plus que 300 d’avance sur Kilikvak Kabloona. Une dizaine de boîtes doivent encore remonter au cours de la nuit.
Au petit matin, la pression n’a certainement pas du retomber, tant du côté néo-démocrate que chez les libéraux. Cinquante voix à peine séparaient les deux à la mi-journée. Ce n’est qu’aux environs de 15 heures le 29 avril que le camp orange a pu enfin célébrer sa très courte victoire, avec un total de 2945 voix (37,4%) devant Kilikivak Kabloona (2868, 36,5%) et James T. Arreak (2055, 26,1%).
« Je suis fière du résultat, même si je suis un petit peu surprise par ce petit écart. J’ai été élue par les Nunavummiut et je vais m’assurer de représenter leur voix au parlement » a réagi Lori Idlout auprès du Nunavoix, peu après l’officialisation de sa victoire.
Après 1982, 2019 puis 2021, le Nunavut reste donc l’un des derniers bastions du NPD.
