le Vendredi 18 avril 2025
le Mardi 8 avril 2025 14:46 Actualités

Une campagne électorale sans Meta

La page Facebook du Nunavoix est inaccessible depuis le blocage des nouvelles par Meta.  — Crédit : Brice Ivanovic
La page Facebook du Nunavoix est inaccessible depuis le blocage des nouvelles par Meta.
Crédit : Brice Ivanovic
Depuis août 2023, Meta, propriétaire des plateformes Facebook et Instagram, bloque le contenu des médias canadiens pour se soustraire à la Loi sur les nouvelles en ligne (C-18). En contexte de campagne électorale, le manque d’informations accessibles peut s’avérer extrêmement dommageable pour les communautés éloignées ou en contexte minoritaire.
Une campagne électorale sans Meta
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C’est du moins l’avis de Patrick White, professeur de journalisme à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), qui affirme que ce blogage, qui n’est présent qu’au Canada, a de lourdes conséquences pour la démocratie du pays. De son point de vue, cela est d’autant plus vrai vu l’aspect historique que revêt l’élection actuelle dans le contexte des menaces du gouvernement Trump à l’égard du Canada.

Les médias locaux « paient le prix »

Selon le professeur White, les effets ne sont pas les mêmes pour tous les médias alors que certains ont réussi à tirer leur épingle du jeu. C’est par exemple le cas pour Le Devoir, La Presse, The Globe and Mail et le Toronto Star avec un « trafic est plus élevé qu’avant le blocage de Meta en août 2023 ».

Le journaliste explique le phénomène par le fait que les grands médias ont su développer d’autres stratégies pour assurer la transmission d’informations auprès de leur lectorat, comme les infolettres, l’envoi de notifications sur les téléphones mobiles, le lancement d’applications et la réalisation de campagnes de promotion de marketing. Le professeur de journalisme affirme que depuis le blocage de Meta, les gens qui souhaitent s’informer ont développé l’habitude de se rendre directement sur le site d’un média.

« Ceux qui paient le prix, ce sont les petits médias et les médias régionaux et j’inclus le vôtre là-dedans. On parle quand même d’une région éloignée avec des francophones minoritaires. Donc l’impact est plus fort pour les plus petits médias parce qu’ils ont moins de moyens. »

— Patrick White, journaliste et professeur à l'UQAM

Un effort de plus pour le lectorat ?

À Iqaluit, Collins Tagnigou estime que le blocage du contenu journalistique complique l’accès aux informations sur la campagne électorale, surtout pour ceux qui s’appuyaient sur Facebook pour suivre l’actualité : « Personnellement, je privilégie maintenant les sites Web des médias, les infolettres et d’autres plateformes ou des sources officielles. Facebook était un moyen pratique pour découvrir des articles et discussions, mais il fallait déjà diversifier ses sources pour éviter les biais ». Selon lui, la plupart des Nunavummiut sont très actifs sur réseaux sociaux, dont Facebook.

« Ce blocage crée donc un réel problème d’information à notre niveau, car il limite l’accès aux nouvelles officielles et aux discussions essentielles sur la campagne électorale. »

 

— Collins Tagnigou, résident d'Iqaluit

Florence Lapierre Poulin se dit quant à elle moins engagée par cette campagne. « Je continue de m’informer, mais je trouve que c’est moins dynamique qu’avant » reconnaît-elle. « C’est encore très possible d’avoir accès à l’information et je ne pense pas nécessairement que ce soit plus compliqué, mais c’est sûr que ça demande un effort plus grand. Et d’un point de vue personnel je trouve que l’effervescence de la campagne ainsi que mon engagement ne sont pas aussi élevés qu’avant. »

Pour d’autres, la situation actuelle n’a néanmoins aucune influence sur leur manière de consommer l’information, comme Stéphane Daigle qui se tourne plutôt vers la télévision, ou encore Catherine Tardif : « Si j’en ai envie, je peux lire en ligne des articles provenant de différents journaux ».

Patrick White continue de croire qu’il faut dénoncer haut et fort la situation en lien avec Meta, qu’il qualifie de « mauvais citoyen corporatif » et d’ajouter :

« Une élection historique comme ça, Meta aurait dû permettre le partage des articles journalistiques pour des raisons « humanitaires » sur une période de 30-35 jours. »

Il émet d’ailleurs un parallèle avec les feux de forêt qui ont sévi au pays au cours de l’été 2023 alors que des milliers de personnes en situation de danger se sont retrouvées dans l’impossibilité d’obtenir des informations fiables sur Facebook.

Collaboration entre Meta et Élections Canada

Dans un communiqué émis le 20 mars 2025, Meta indique investir beaucoup d’efforts et de ressources pour protéger les élections en ligne. La plateforme déclare travailler avec Élections Canada pour s’assurer que les Canadiens aient accès à des informations précises. « Bien que chaque élection soit unique, Meta a développé une approche complète visant à garantir l’intégrité des élections sur nos plateformes : une approche qui donne une voix aux gens, qui favorise la participation au processus électoral et qui lutte contre l’entrave au vote des électeurs et l’influence étrangère », peut-on lire.

Joint pour savoir si le blocage du contenu journalistique par Meta représentait un enjeu dans la diffusion de renseignements, Élections Canada se fait avare de commentaires. « Dans le cadre de nos efforts de communication pendant une élection générale, nous fournissons de l’information sur le processus électoral à différentes plateformes numériques », affirme simplement l’organisation.

Des comptes officiels d’Élections Canada se retrouvent sur les plateformes X, Facebook, Youtube, LinkedIn et Instagram.