La menace d’une guerre économique entre les États-Unis et le Canada inquiète le pays. L’application d’une hausse de 25% des tarifs douaniers sur les produits importés du Canada et la riposte associée du gouvernement fédéral pourraient avoir de graves conséquences sur l’industrie mais aussi sur les prix alimentaires.
P.J. Akeeagok, premier ministre du Nunavut, déclare s’engager à adopter l’approche d’« équipe Canada » en réponse aux tarifs douaniers imposés par les États-Unis. Il se dit encouragé de voir la pause actuelle sur les tarifs proposés et demeure optimiste quant à la possibilité pour les deux pays de parvenir à un accord mutuellement bénéfique. Le gouvernement affirme profiter de ce sursis pour recueillir de l’information et se préparer à une éventuelle intervention si nécessaire.
Plusieurs facteurs à considérer
À l’heure actuelle, le minerai de fer à haute teneur de Baffinland n’est expédié qu’en Europe faisant en sorte que l’entreprise n’entrevoit pas d’impact direct sur leurs ventes advenant d’éventuels tarifs douaniers sur les exportations canadiennes vers les États-Unis. Bien que cela constitue une bonne nouvelle, la situation n’est toutefois pas sans conséquences.
Peter Akman, chef des relations et des communications pour Baffinland, explique que tout tarif de rétorsion imposé par le Canada sur les marchandises importées, ou l’effet indirect des tarifs américains sur les composants canadiens utilisés dans la fabrication de machines et d’équipement nécessaires aux activités de la mine aurait une incidence sur leurs coûts.
« Presque toutes nos installations, équipements et pièces proviennent de fabricants basés aux États-Unis. Un tarif de 25 % sur les principaux composants serait dévastateur à la fois en termes d’économie du projet et en particulier pour assurer le financement du projet. »
Questionnée sur le sujet, l’entreprise Agnico Eagle a préféré ne pas commenter la situation à ce stade-ci évoquant le fait que, tant que l’ensemble des détails relatifs à l’offensive des États-Unis et la réponse du Canada ne sont pas connus, cela demeure du domaine de la spéculation.
Une porte-parole confirme cependant que tout comme Baffinland, l’imposition de ces tarifs aurait peu d’impact direct dans la mesure où les métaux produits ne sont pas directement vendus aux États-Unis.
Une facture d’épicerie qui pourrait s’alourdir
Duane Wilson, vice-président des relations avec les parties prenantes d’Arctic Co-operatives Limited affirme que dans leur cas, ce sont les tarifs que le gouvernement canadien considère imposer sur les produits en provenance des États-Unis qui est à surveiller.
En réponse à la menace, le gouvernement du Canada a annoncé des contre-tarifs de 25 % sur 155 milliards de dollars de produits exportés au Canada par les États-Unis. Le gouvernement a publié une liste détaillée de quelque 1200 produits américains visés par la vague de contre-tarifs dont la valeur s’élève à 30 milliards de dollars.
Parmi cette liste se trouvent plusieurs produits alimentaires qui peuvent être vendus via les coopératives du territoire, dont les fruits et légumes, le thé et le café, les céréales, les pâtes et le sucre. Bien que la majorité de la marchandise des coopératives provienne des distributeurs canadiens, ces mêmes distributeurs peuvent avoir fait affaire avec les États-Unis.
Duane Wilson explique que la situation est néanmoins particulière au Nunavut puisque l’inventaire actuel dans les communautés est élevé en raison de l’acheminement par voie maritime qui a eu lieu il y a déjà plusieurs mois. Selon lui, l’effet que la situation engendrera sur la valeur du dollar canadien est aussi à considérer.
À moyen terme, si la situation va de l’avant et que le dollar canadien perd sa valeur, il pourrait donc y avoir un impact sur la facture d’épicerie. Wilson estime que le gouvernement doit absolument prendre des actions pour supporter les entreprises affectées, d’autant plus que le défi est encore plus grand au Nord où le marché est microscopique et les coûts d’opération élevés.
« Si ce support n’est pas là, ça va définitivement influencer la capacité des gens à acheter la nourriture dans les communautés. »

Lors d’une conférence de presse à Iqaluit, le conservateur Pierre Poilievre a déclaré vouloir mettre en place plusieurs mesures pour protéger l’inflation des prix alimentaires s’il arrive au pouvoir.
En déplacement à Iqaluit le 10 février, le leader conservateur Pierre Poilievre a quant à lui déclaré en conférence de presse qu’il faudrait « enlever les barrières d’échange entre les provinces pour permettre aux agriculteurs de livrer de la nourriture moins couteuse, supprimer les taxes carbone pour réduire le coût des transports ainsi que bonifier le programme alimentaire Nutrition North afin de nourrir et protéger notre population dans le Nord. »
Diversifier l’économie du territoire
P.J. Akeeagok se dit heureux de constater que le Canada tente de trouver des moyens de stimuler l’économie en investissant dans l’infrastructure d’édification du pays et en ouvrant des possibilités pour la sécurité énergétique. Il est d’avis que le Nunavut est source de nombreuses possibilités.
« Qu’il s’agisse des pêches ou des minéraux critiques, nous pouvons offrir beaucoup au Canada et au reste du monde. Nous avons juste besoin d’investissements dans les infrastructures essentielles pour libérer ces possibilités. Des projets comme le port de Qikiqtarjuaq, la route et le port de Grays Bay ou le corridor de sécurité dans l’Arctique, et le lien de fibre optique de Kivalliq sont des initiatives d’édification nationale qui peuvent ouvrir des portes au Nunavut et au Canada », soutient le premier ministre.