Quel regard portez-vous sur la situation globale des langues officielles en situation minoritaire, au Nunavut en particulier?
Nous avons maintenant une nouvelle loi modernisée qui est en place. Selon moi, elle devrait favoriser le développement des communautés des langues officielles en situation minoritaire. Des défis persistent à l’échelle nationale, dans plusieurs domaines d’intervention. Mais on doit reconnaître que les progrès sont importants dans l’éducation, la santé… Je le constate ici aussi, que ce soit dans les secteurs de la petite enfance et de la garde des enfants. C’est une communauté qui est jeune à Iqaluit. À l’occasion de ma visite, nous avons eu d’excellentes discussions avec les représentants de la communauté francophone autour de plusieurs dossiers : le guichet unique de services, les clauses linguistiques… Et puis nous avons lancé les clinques d’aide juridique et d’aide fiscale. Ce sont des avancées importantes. J’ai beaucoup apprécié l’accueil durant ma visite. La communauté est très engagée, diversifiée. Elle est vibrante et commence à prendre sa place au sein du territoire.
On a plus d’outils à disposition. C’est important que la population soit consciente de ses droits et qu’elle utilise ces outils qui sont à sa disposition.
La communauté francophone représente 1,9% de la population du Nunavut. Parmi les défis auxquels elle est confrontée figure en tête de liste l’accès aux services et communications en français. Quel accompagnement pouvez-vous leur apporter ?
Mon rôle en tant que commissaire touche les institutions fédérales présentes sur le territoire. Elles ont l’obligation d’offrir des services et communiquer dans les langues officielles. La loi me donne de nouveaux pouvoirs pour m’assurer de la conformité. Ce qui est important pour moi, c’est de savoir lorsqu’il y a des instances qui ne dispensent pas ces services, par le biais de dépôt de plainte. Je peux enquêter et proposer des solutions. Auparavant, je n’avais qu’un seul pouvoir de recommandation. Maintenant je peux conclure des ententes de conformité, émettre des ordonnances et faire de la médiation. On a plus d’outils à disposition. C’est important que la population soit consciente de ses droits et qu’elle utilise ces outils qui sont à sa disposition.
On attendait cette modernisation depuis cinquante ans.
Est-ce que la Loi sur les langues officielles devrait prévoir des sanctions contre les institutions qui ne la respectent pas?
Elle prévoit certaines sanctions administratives et pécuniaires qui pourraient être mises en place dans le secteur des transports. Je ne sais pas si ceci s’appliquera au Nunavut. Le règlement n’a pas encore été élaboré. Pour les autres plaintes, il n’y aura pas de sanctions. Il est d’abord important de mesurer l’impact de la loi sur les communautés dans les années à venir. On attendait cette modernisation depuis cinquante ans. On constate de meilleures conformités. Il y a des avancées dans les services, mais il faut les demander, les exiger.
Les francophones ont-ils conscience de leurs droits?
Nous devons sensibiliser les francophones à leurs droits linguistiques en milieu minoritaire. Mon commissariat en fait la promotion: on explique la loi aux gens. C’est un travail continu et nous devons reprendre ces formations pour informer les Canadiens et Canadiennes de ce nouveau régime linguistique. Trop souvent on me demande : « Combien de langues parlez-vous? ». La loi est en place depuis 1969 mais il y a encore beaucoup d’incompréhensions autour d’elle.
Quelles sont les garanties pour s’assurer du financement des programmes linguistiques à long terme, indépendamment de la majorité présente au parlement?
Le budget du commissariat a eu une augmentation. Le Plan d’action de la Loi des langues officielles s’étend jusqu’en 2028. Je serais surpris de voir un revirement mais on ne peut rien prédire en politique. Je suis assez confiant pour la mise en œuvre, telle qu’elle était prévue.
Je constate qu’il y a eu des moments très forts pour les langues officielles. Elles étaient présentes sur l’échiquier national, ce qui démontre que les Canadiens prennent les langues officielles au sérieux, c’est fondamental.
Quel regard, quel bilan portez-vous sur votre action à la tête du Commissariat aux langues officielles?
Lors de mon arrivée en 2018, mon objectif était de nous doter d’une loi modernisée. Il a fallu six ans pour y parvenir. Elle reconnait certaines réalités : le français est minoritaire au Canada. Nous avons renforcé la partie VII de la Loi, qui sert à favoriser le développement des communautés. Il y a un engagement du gouvernement au niveau de l’immigration, de l’éducation et de la reconnaissance du statut du français dans le pays. Mon successeur héritera d’une boîte à outils bien mieux garnie. Je constate qu’il y a eu des moments très forts pour les langues officielles. Elles étaient présentes sur l’échiquier national, ce qui démontre que les Canadiens prennent les langues officielles au sérieux, c’est fondamental. Je pense que c’est une question qui ne sera jamais réglée, les langues doivent s’adapter aux changements. Ces années étaient garnies en termes de résultats concrets.
Quel message aimeriez-vous adresser à la communauté franco-nunavummiut?
J’aimerais lui dire que l’avenir sera brillant. Affirmez vos droits linguistiques!