le Jeudi 1 mai 2025
le Mercredi 9 octobre 2024 8:00 Sciences et environnement

Les restrictions demeurent en vigueur dans la zone de protection marine de Tuvaijuittuq

Les restrictions ont été prolongées sur une période pouvant aller jusqu’à cinq ans dans la zone de protection marine Tuvaijuittuq, considéré comme le dernier refuge de glace dans l'Arctique. — Crédit : Pierre Couple
Les restrictions ont été prolongées sur une période pouvant aller jusqu’à cinq ans dans la zone de protection marine Tuvaijuittuq, considéré comme le dernier refuge de glace dans l'Arctique.
Crédit : Pierre Couple
Le gouvernement du Canada a récemment renouvelé sa décision de prolonger pour une période pouvant aller jusqu’à cinq ans la limitation des activités permises dans le territoire marin de Tuvaijuittuq. Ce verdict va à l’encontre des souhaits du gouvernement du Nunavut, qui aurait espéré pouvoir profiter de certains assouplissements.
Les restrictions demeurent en vigueur dans la zone de protection marine de Tuvaijuittuq
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D’une superficie de 322 000 kilomètres2, Tuvaijuittuq qui signifie en inuktitut « endroit où la glace ne fond jamais » est considérée comme unique à l’échelle mondiale en raison de la présence de banquise épaisse, ancienne et pluriannuelle.

Officiellement créée le 21 août 2019, cette zone de protection se voulait une mesure temporaire de cinq ans dans l’attente qu’un cadre de protection permanent soit établi.

Davantage de temps requis

En janvier 2023, la Qikiqtani Inuit Association (QIA) a officiellement demandé à Pêches et Océans Canada d’abroger et de remplacer l’arrêté ministériel sur la zone de protection marine de Tuvaijuittuq afin de récupérer le temps perdu en raison de la pandémie de COVID-19.

L’objectif était entre autres de donner plus de temps pour recueillir des informations sur ce territoire.

« L’établissement d’un nouvel arrêté ministériel en vertu de la Loi sur les océans permettra de s’assurer que cette zone sensible et vulnérable de l’Extrême-Arctique canadien continue d’être protégée pendant que nous travaillons en collaboration avec nos partenaires inuit et du Nord pour envisager la création d’une aire protégée et de conservation inuit à long terme », résume Robert Rombouts, conseiller en communications pour Pêches et Océans Canada.

WWF-Canada, l’organisation internationale de conservation la plus importante du pays, se dit en faveur du renouvellement des mesures de protection pour Tuvaijuittuq et de la possibilité pour les Inuit de la région de continuer à donner leur avis sur la manière dont cette zone devrait être protégée.

« Ces mesures de protection provisoires sont importantes pour geler l’empreinte du développement économique d’une région pendant que des décisions sont prises sur les manières de la protéger définitivement de façon à servir l’objectif de conservation prévu », informe Brandon Laforest, spécialiste principal de la conservation arctique à WWF-Canada.

Du côté de Pêches et Océans Canada, on assure être au courant de la demande du gouvernement du Nunavut pour réexaminer les restrictions existantes.

« L’intérêt du gouvernement du Nunavut pour les activités touristiques, récréatives et de pourvoirie à Tuvaijuittuq est une considération importante qui éclairera les décisions sur l’approche de protection à long terme pour cette zone », soutient Robert Rombouts.

Des crinoïdes dans les eaux du territoire marin de Tuvaijuittuq, dans l’Extrême-Arctique.

Crédit : Steve Duerksen

Pour Brandon Laforest, il est important que les aires protégées offrent des avantages aux communautés concernées et qu’elles contribuent à une économie bleue qui mène à des possibilités économiques respectueuses de l’environnement.

Si une activité entraine la perturbation des espèces ou de la pollution marine, il pourrait être recommandé qu’elle ne soit pas autorisée dans l’aire marine protégée (AMP).

« Dans l’ensemble, il est essentiel que les communautés autour de Tuvaijuittuq soient consultées et participent activement à la détermination des objectifs et des activités autorisées dans l’AMP, aux côtés d’autres parties prenantes », estime-t-il.

Le « Dernier refuge de glace »

L’océan mondial est confronté à des pressions croissantes dues au changement climatique et aux activités humaines, ce qui entraine des écosystèmes menacés et une perte de la biodiversité.

Au cours des trois dernières décennies, l’océan Arctique a perdu une superficie de glace de mer équivalente à celle des provinces du Manitoba, du Québec et de la Nouvelle-Écosse réunies.

L’Arctique perd de plus en plus de banquise en été, menaçant des espèces comme le morse.

Crédit : Megan Lee

Pour WWF-Canada, les mesures de protection actuellement en place sont importantes, car Tuvaijuittuq représente une grande partie de ce que l’organisation appelle le « Dernier refuge de glace ».

Dans un climat qui se réchauffe rapidement, les projections scientifiques montrent que la banquise d’été perdurera le plus longtemps à Tuvaijuittuq et dans ses environs.

En plus d’être essentielle pour les communautés inuit locales, cette banquise représente un habitat vital pour la vie marine arctique et joue un rôle dans la régulation du climat mondial.

« Grâce à l’épaisseur de la banquise pluriannuelle et aux dernières plateformes de glace restantes en Amérique du Nord, cette région pourrait devenir le refuge ultime des espèces qui dépendent de la banquise, comme le narval, l’ours polaire, le morse, le phoque et le béluga, ainsi que les algues sous la glace qui alimentent l’ensemble du réseau alimentaire arctique. La protection de cette zone est une étape importante pour garantir l’avenir écologique de cet écosystème », explique Brandon Laforest.

Il ne manque toutefois pas de rappeler que des actions climatiques importantes de la part des pays du Sud seront aussi d’une importance cruciale pour garantir que cette zone demeure intacte.