
Debora Obrist et Jakob Assmann se sont déplacés au Nunavut au nom de l’Université de Zurich, en Suisse ; établissement où ils travaillent tous deux.
Les recherches menées par les écologistes, qui se retrouvent pour une première fois sur le territoire, sont financées par la Swiss Polar Institute (SPI) et l’Université de Zurich.
Avec sa Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique (SCREA), Cambridge Bay était le choix idéal pour recueillir des informations en s’assurant d’être bien encadré au niveau logistique.
Erin Cox, qui travaille à la SCREA a aussi été d’un grand soutien pour les chercheurs en leur aidant à identifier les mousses, ce qui peut s’avérer très difficile à faire même pour des écologistes.
Bien que des vérifications auprès d’autres experts doivent être réalisées, Debora Obrist et Jakob Assmann croient potentiellement avoir détecté de nouvelles espèces végétales pour la partie de l’île Victoria autour de Cambridge Bay.

Documenter l’effet des changements climatiques
L’Arctique s’avère un territoire particulièrement intéressant pour les deux écologistes en raison du rythme de réchauffement climatique qui y est de trois à quatre fois plus rapide que la moyenne mondiale.
« Parce que le changement se produit si rapidement, nous savons peu de choses sur la façon dont les plantes et les écosystèmes pourraient s’adapter et changer à l’avenir », expliquent Debora Obrist et Jakob Assmann.
Dans le passé, Debora Obrist a effectué des travaux sur le terrain le long de la côte du Pacifique.
Jakob Assmann a de son côté travaillé au Yukon, au Svalbard et au Groenland.
Pour comprendre les conséquences du réchauffement rapide de l’Arctique sur les plantes de la toundra d’un point de vue écologique, il est d’abord essentiel de savoir quelles espèces végétales se trouvent à quels endroits.
« Étant donné que l’Arctique est si vaste et peu densément peuplé, nous savons souvent peu de choses sur les différentes espèces végétales et où on les trouve », poursuivent les écologistes.
De nombreuses plantes dans la toundra sont très petites et donc difficiles à distinguer à moins d’être un expert et avoir accès à un microscope.
L’objectif de cette recherche visait aussi à mettre à l’essai un protocole pouvant faciliter la surveillance des plantes de la toundra, tant pour les experts que pour les non-experts.
Le nouveau protocole utilise « l’ADNe », aussi appelé ADN environnemental, et les drones.
L’ADNe représente de petits morceaux de matériel génétique trouvés dans le sol.
« Semblable à trouver le coupable à partir d’un cheveu humain trouvé sur une scène de crime, nous pouvons utiliser l’ADNe pour nous dire quelles plantes se trouvent non loin de l’endroit où le sol a été pris. Cependant, notre portée de détection des plantes de cette façon n’est pas très élevée – seulement environ un demi-mètre — et c’est là que les drones entrent en jeu », expliquent Debora Obrist et Jakob Assmann.
Les drones sont utilisés pour cartographier des zones beaucoup plus grandes, représentant environ 30 terrains de football. Puis, les images sont chevauchées avec les informations collectées à partir du code génétique dans le sol.
Il est alors possible d’estimer quelles différentes espèces de plantes peuvent être trouvées dans l’ensemble du paysage.
Pour confirmer que les nouvelles technologies fonctionnent, les écologistes comptabilisent les plantes manuellement.
Vers la fin de l’année, ils sauront si ce nouveau protocole fonctionne, mais il faut d’abord que l’ADNe soit analysé en Suisse dans un laboratoire spécial.
Rendre accessible les résultats
En plus de collaborer avec les chercheurs de Savoir polaire Canada (POLAIRE) basés à la SCREA, Debora Obrist et Jakob Assmann ont été en contact avec la Kitikmeot Inuit Association pendant le processus de délivrance de permis.
Les écologistes ont donné une conférence publique à la SCREA dans le cadre du « Coin du conférencier » de POLAIRE, où les participants pouvaient essayer d’identifier les plantes sous le microscope et tenter de piloter un drone.
Ils ont aussi été invités sur un podcast réalisé par de jeunes membres de la communauté.
« Nous espérons continuer à nous connecter davantage avec la communauté à l’avenir et peut-être de développer des collaborations plus étroites », révèlent les chercheurs.
Une fois finalisées, les conclusions de la recherche seront partagées avec la communauté sur la page Facebook de Cambridge Bay News et il serait souhaité qu’au moins un des co-auteurs puisse le faire en personne au cours de la prochaine année.
Les résultats détaillés seront publiés dans des revues scientifiques avec un format entièrement ouvert, afin qu’ils soient accessibles à tous.
Enfin, les données collectées incluant les observations d’ADN, de plantes et les cartes de drones seront aussi disponibles.
