En plus des quatre communautés du Nunavut, les autres finalistes nommées par l’ITK sont Inuvik, dans la région désignée des Inuvialuit, Nain, au Nunatsiavut ainsi que Puvirnituq et Kuujjuaq, au Nunavik. Toutes ces municipalités avaient jusqu’au 30 octobre 2025 pour signifier leur intérêt à poursuivre le processus de sélection. Au moment d’écrire ces lignes, ITK n’était pas en mesure de nous confirmer qui demeurait en lice.
L’organisation inuit prévoit choisir son campus principal plus tard cette année dans le but d’ouvrir en 2030. Il est anticipé que l’école accueille une centaine d’étudiants et 80 membres du personnel.
Une offre de formation pour les Inuit
L’Université Inuit Nunangat a pour objectif d’autonomiser les étudiants grâce à une éducation ancrée dans la culture inuit, de favoriser la collaboration régionale et mondiale et de défendre la liberté intellectuelle. Elle s’engage à former les futurs dirigeants et chercheurs inuit qui incarnent et font progresser les valeurs et traditions inuit. Dans une déclaration récente, le maire d’Iqaluit Solomon Awa a affirmé que la capitale serait un « endroit idéal » pour l’établissement.
Le maire du hameau d’Arviat prône également pour que sa collectivité en ressorte gagnante. Joe Savikataaq Jr croit que sa communauté serait un lieu tout à fait approprié pour accueillir cet établissement en raison de sa richesse au niveau de la culture, de la langue et des modes de vie inuit. Il estime que ce projet profiterait à toute la région : « Avec l’augmentation de la population, davantage de services seront nécessaires, ce qui permettra à d’autres secteurs de se développer », poursuit-il.
Selon lui, Arviat répond à tous les critères de sélection :
« Nous disposons des terrains, nous sommes en position de nous agrandir et sommes en mesure de fournir ce qu’il faut en matière d’eau, d’eaux usées, de gestion des déchets et d’électricité. »
Joe Savikataaq Jr souligne que le conseil municipal soutient unanimement cette initiative et qu’à ce jour, aucun désaccord n’a été signalé à la municipalité qui entrevoit pour le moment quelques sites potentiels.
Également contactées pour commenter, les autres communautés du Nunavut impliquées dans le processus, soit Cambridge Bay et Rankin Inlet n’ont pas donné suite à notre courriel. La ville d’Iqaluit n’avait pour sa part aucune remarque à formuler à ce moment-ci.
Jean-Luc Ratel est professeur régulier en fondements de l’éducation et approches culturelles au département des sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Il considère que la présence d’un tel établissement dans l’Inuit Nunangat est nécessaire et croit que ce sera une excellente manière de favoriser le mieux-être inuit en formant des professionnels dans tous les domaines et plus particulièrement dans ceux associés aux besoins en enseignement, dans les services sociaux et plus largement, au développement économique et culturel des collectivités inuit.
« Nous savons déjà que la plupart des étudiants inuit souhaitent retourner dans leurs communautés après leurs études pour y vivre et y travailler, mais le plus grand défi consiste actuellement à développer une offre de formation accessible géographiquement et culturellement dans l’Inuit Nunangat. »
Ratel estime qu’il est essentiel de former davantage d’enseignants inuit, les mieux placés pour valoriser le savoir traditionnel auprès de leurs apprenants, ce qu’une initiative comme l’Université de l’Inuit Nunangat pourra certainement contribuer à améliorer.
Le professeur Jean-Luc Ratel soulève que les étudiants inuit font encore face à plusieurs obstacles lorsqu’ils poursuivent leurs études dans le sud.
Les défis au sud pour de nombreux jeunes
Malgré qu’il juge que des avancées considérables ont été réalisées au fil des dernières décennies, Jean-Luc Ratel soutient que les étudiants inuit doivent encore composer avec plusieurs obstacles lorsqu’ils se dirigent vers le sud pour poursuivre leur cheminement scolaire. Il cite notamment des défis en lien avec la période de transition nécessaire pour faire face au métier d’apprenant, à la vie en ville et à un certain choc culturel.
À cela, il ajoute l’important enjeu de la conciliation études-travail-famille, et plus spécialement celle des études et de la famille, puisque les élèves sont souvent eux-mêmes parents et doivent alors choisir entre quitter avec leur famille ou le faire seuls. « Pour ceux qui déménagent avec leur famille, une grande contrainte concerne la recherche d’un logement abordable, un phénomène qui s’est accentué dans toutes les grandes villes et qui touche plus particulièrement les étudiants en raison de leurs revenus moindres et de leurs déménagements plus fréquents », affirme le professeur, qui souligne au passage des obstacles supplémentaires liés au racisme et à la discrimination dans la quête d’un loyer.
Jean-Luc Ratel mentionne également la discrimination associée à la maîtrise de l’anglais. Une enquête réalisée auprès d’étudiants inuit à laquelle il a participé en 2021, Postsecondary Inuit Students From Nunavut Pathways: When Students’ Satisfaction Meets Language Discrimination révèle que les élèves qui conversaient principalement anglais à la maison étaient généralement, mieux préparés et plus satisfaits de leurs études postsecondaires que ceux qui parlaient majoritairement une langue inuit. « C’est aussi une grande injustice de constater que les étudiants inuit doivent se conformer à une logique d’intégration à un système scolaire d’une autre culture plutôt qu’une logique d’inclusion pourtant souvent défendue par les établissements postsecondaires », conclut le professeur qui mentionne finalement des embûches liées aux coûts et à l’éloignement.