Mené en mai 2025 avec l’appui du programme MINDS du ministère de la Défense nationale du Canada, le sondage du NAADSN apporte un éclairage inédit sur la perception des enjeux arctiques par les habitants des trois territoires. En effet, pour Mathieu Landriault, professeur associé à l’École nationale d’administration publique et directeur de l’Observatoire de la politique et la sécurité de l’Arctique, le pessimisme domine dans l’opinion publique sur les questions arctiques.
L’ensemble des réponses laisse l’impression d’un public canadien inquiet quant à l’avenir de la coopération dans la région arctique, mais également favorable à des mesures plus musclées pour défendre la souveraineté arctique. Les habitants du Nord, qu’ils soient ou non Inuit ou membres des Premières Nations, s’inscrivent dans une tendance nationale plus large en faveur d’une augmentation des dépenses militaires.
« On est beaucoup moins dans le compromis, autant avec les gens du Nord qu’avec les répondants plus au Sud. »
Plus de 600 répondant.e.s
Peu de sondages d’opinion ont été réalisés dans le passé auprès des habitants du Nord et, de manière générale, les enjeux arctiques se limitaient à deux ou trois questions. La compréhension de l’opinion publique dans le Nord canadien est limitée et « l’opinion publique sur les Premières Nations, les Métis et les Inuits dans le Nord est encore plus rare », selon le NAADSN.
C’est en partie pour cette raison que ce sondage a été réalisé entre le 8 et le 26 mai 2025. Un total de 609 répondant.e.s âgé.e.s de plus de 18 ans et résidant dans l’un des trois territoires ont répondu à des questions concernant les enjeux militaires et environnementaux de l’Arctique canadien.
L’une des questions du sondage concernait la souveraineté. Le panel devait indiquer s’il était d’accord avec l’idée « use it or lose it » (« utilisez-la ou perdez-la »). Autrement dit, « le Canada doit exercer sa souveraineté dans l’Arctique, sinon il perdra sa partie de l’Arctique ».
78 % d’entre eux soutenaient ce point de vue, un chiffre inférieur à celui des répondants non autochtones (87 %).
Bien que cette expression utilisée par l’ancien premier ministre Stephen Harper soit bien trop simpliste pour M. Landriault, dans l’opinion de la plupart des Canadiens, « c’est une réalité avec laquelle il faut se confronter : si on n’est pas plus présent, il y a des menaces qui pèsent, qui pourraient mener vers la perte de ce territoire », précise-t-il.
Les réponses ont été similaires sur les dépenses militaires en lien avec l’exercice de la souveraineté. Si une majorité des répondants autochtones (53 %) se sont déclarés favorables à une augmentation des dépenses militaires, cette proportion est inférieure à celle des répondants non autochtones (78 %).
Les États-Unis : une nouvelle menace
Dans un paysage géopolitique en pleine évolution en Arctique, la perception des menaces a changé dans l’opinion publique. Le pays qui représente la plus grande menace, selon les habitants des territoires, est les États-Unis, suivis par la Russie et la Chine.
Ce résultat évoque une évolution surprenante et rapide pour M. Landriault. « C’est quand même un grand changement. Mais ça nous montre aussi comment le paysage géopolitique a changé dans la perception des Canadiens. C’était difficile à imaginer, même il y a douze mois, que les États-Unis arrivent en pôle position », remarque-t-il.
Mieux protéger l’environnement
Concernant les possibilités de développement de projets d’extractions des ressources, les répondants estiment que les conséquences négatives (par exemple, les dommages environnementaux) de l’exploitation minière l’emportent sur les effets positifs comme les créations d’emplois.
En outre, les populations autochtones souhaitent que le gouvernement fédéral accorde la priorité aux entreprises les plus respectueuses de l’environnement dans l’attribution des contrats. La protection de l’environnement figure donc en tête des priorités des personnes autochtones « qui sont unies derrière cet objectif », peut-on lire dans l’analyse des résultats du sondage.
Finalement ce sondage met en lumière la volonté des membres des Premières Nations, des Métis et des Inuit des territoires de voir des mesures de sécurité plus musclées adoptées pour assurer la sécurité de l’Arctique. Même si ce niveau de soutien est beaucoup plus élevé parmi les non-Autochtones du Nord, le soutien des Autochtones à des mesures plus affirmées atteint un niveau historique. Les données de cette enquête confirment aussi que les habitants du Nord s’inscrivent dans une tendance nationale plus large en faveur d’une augmentation des dépenses militaires.
Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.