le Samedi 18 octobre 2025
le Vendredi 17 octobre 2025 10:59 | mis à jour le 17 octobre 2025 13:12 Local

Une lutte à deux dans Iqaluit-Manirajak

Adam Arreak Lightstone ( à gauche) est député sortant dans la circonscription d’Iqaluit-Manirajak. Il est opposé à Gwen Healey Akearok (à droite). — Crédit : Élections Nunavut
Adam Arreak Lightstone ( à gauche) est député sortant dans la circonscription d’Iqaluit-Manirajak. Il est opposé à Gwen Healey Akearok (à droite).
Crédit : Élections Nunavut

La campagne électorale territoriale bat son plein et dix candidats briguent un siège à Iqaluit. Dans la circonscription d’Iqaluit-Manirajak, Gwen Healey Akearok tente de ravir la place d’Adam Arreak Lightstone, qui est en poste depuis 2017. Crise du logement, santé mentale, infrastructures, culture inuit et francophonie : Le Nunavoix a questionné les deux aspirants sur des enjeux clés dans cette course électorale.

Une lutte à deux dans Iqaluit-Manirajak
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Adam Arreak Lightstone affirme que bon nombre de dossiers inclus dans sa plateforme de 2021 ont été mis en œuvre au cours de son dernier mandat. Il cite entre autres le début du déploiement de la maternelle à temps plein, la lutte contre la maltraitance des enfants, le renforcement des soutiens du Programme d’aide financière aux étudiants du Nunavut (FANS) ainsi que la création d’un fonds pour le logement abordable.

De son côté, Gwen Healey Akearok se dit prête à servir sa communauté d’une nouvelle façon. Depuis plus de deux décennies, la femme travaille dans les domaines de la santé, de la recherche et du secteur sans but lucratif en écoutant les Iqalummiut et en élaborant des solutions fondées sur les forces de la collectivité.

Le découpage des quatre circonscriptions d’Iqaluit. 

Source : Élections Nunavut

Logements rares et grands besoins

Interrogé sur la façon de régler le problème de pénurie de logements, Adam Arreak Lightstone souhaite d’abord que le gouvernement du Nunavut (GN) poursuive ses investissements dans la Stratégie Nunavut 3000, en construisant davantage de loyers publics et pour le personnel.

Il désire également que la Société d’habitation du Nunavut fasse progresser le fonds pour le logement abordable, qui offre jusqu’à 150 000 $ par unité aux OBNL et aux entreprises. Il explique qu’environ la moitié des résidences à Iqaluit sont soit publiques, soit louées pour les employés du GN et du fédéral. 

« J’aimerais que les deux gouvernements construisent davantage de logements plutôt que d’en faire la location. »

— Adam Arreak Lighstone

Son adversaire, Gwen Healey Akearok insiste sur un autre point, soit la nécessité de collaborer dans ce dossier ; un aspect essentiel qu’elle a pu déceler notamment lors de la réalisation du Centre de bien-être communautaire Inuusirvik.

Depuis trois ans, elle travaille avec des partenaires à la création d’un espace résidentiel à but non lucratif, où le loyer serait de 0 à 500 $ par mois pour des unités de deux et trois chambres dédiées aux familles et aux parents seuls. 

« Le logement est plus qu’une infrastructure, c’est la base de la santé, de l’éducation et de la stabilité pour les familles. »

— Gwen Healey Akearok

Le manque d’accès à une saine alimentation

Au Nunavut, des statistiques montrent qu’environ 60 % des résidents vivent dans l’insécurité alimentaire. Gwen Healey Akearok dit avoir consulté les Iqalungmiut (Inuit d’Iqaluit) qui ont affirmé la nécessité de renforcer l’accès à la nourriture traditionnelle en supportant les chasseurs, les pêcheurs et les initiatives de congélateurs collectifs, tout en travaillant à réduire le coût des denrées saines achetées en magasin. Elle ajoute qu’il est nécessaire d’assurer la distribution de repas à l’école chaque jour.

Lightstone milite d’ailleurs sur ce dernier point et désire que le GN subventionne un programme scolaire standardisé et universel. Bien que tous les établissements proposent un certain niveau de soutien alimentaire aux étudiants, il souligne que cette implication a été endossée par des enseignants qui offrent bénévolement leur temps pour demander du financement et garantir la gestion. 

« Je crois que le ministère de l’Éducation devrait assumer cette responsabilité et s’assurer que chaque élève ait un repas, peu importe les besoins » déclare celui qui brigue un troisième mandat

Santé physique et psychologique et rétention du personnel

Celle qui travaille dans le domaine de la santé mentale des enfants au Nunavut depuis 25 ans, est d’avis que cet enjeu nécessite de l’aide près de la maison, culturellement sécuritaire et ancrée dans des relations.

Également interrogé sur la façon d’améliorer l’accès aux services en santé mentale et la prévention du suicide, Lightstone s’est quant à lui montré optimiste en soulignant l’inauguration du centre de traitement et de rétablissement pour la santé mentale, les dépendances et les traumatismes Aqqusariaq en 2026.

Adam Arreak Lighstone se dit « optimiste » pour des avancées en matière de santé mentale.

Crédit : Brice Ivanovic

Concernant les problèmes de recrutement et de rétention du personnel de la santé à l’hôpital général Qikiqtani, l’homme affirme militer auprès du ministère de la Santé depuis plusieurs années pour collaborer avec les collèges et universités afin de garantir un nombre suffisant de places dans les programmes. « Les petites classes où l’on travaille en groupe ont des taux de réussite beaucoup plus élevés ». Il souhaite également que les conditions comme les transports et l’hébergement soient équitables pour les spécialistes de la santé permanents et les employés temporaires.

Le point de vue d’Akearok rejoint celui de son adversaire concernant la nécessité d’un meilleur investissement dans la formation et le soutien des professionnels et des apprenants. Dans le passé, elle a collaboré avec des partenaires dans l’Arctique pour développer des outils de recrutement et de rétention et a participé à un projet pilote pour tester certaines stratégies à l’hôpital général Qikiqtani. 

« Ce que j’ai compris au fil des ans, c’est que cet enjeu ne se limite pas aux salaires. Nous devons bâtir un milieu de travail et une communauté où le personnel se sent soutenu. »

— Gwen Healey Akearok

Développement d’infrastructures et respect de la nature

Bien que la priorité d’Akearok a été jusqu’à présent de développer des installations qui renforcent le bien-être collectif, elle soulève qu’un réseau d’eau fiable, la gestion des déchets, les communications et les énergies renouvelables sont importants. Elle croit que l’économie peut être élargie en appuyant les entreprises locales et en investissant dans des infrastructures communautaires qui créent des emplois tout en répondant à des besoins urgents. Ayant entendu les Iqalungmiut parler du fait que les minéraux critiques du Nunavut pourraient apporter des avantages financiers, elle précise qu’il y a une harmonie et un équilibre à trouver entre gains monétaires et préservation de l’environnement.

Selon Lightstone, la situation de l’eau, combinée au manque de terrains aménagés pour construire, sont principalement en cause dans la crise du logement. Il souligne que la ville travaille avec le gouvernement fédéral pour répondre à la problématique de l’eau et souhaite maintenant que le GN mette en place un nouveau quartier parallèlement à celui de la municipalité et au développement sur les terres inuit.

Pour Gwen Healey Akearok, il est important de trouver un bon équilibre entre exploitation minière, gains monétaires et préservation de l’environnement.

Crédit : Brice Ivanovic

Culture inuit et francophonie

Pour soutenir et préserver la langue et la culture inuit, l’ancienne présidente de l’Autorité de l’éducation du district d’Iqaluit affirme qu’elle continuera ses efforts pour valoriser l’inuktut tout au long de la vie. Elle plaide pour des partenariats intersectoriels et des investissements dans l’enseignement ainsi que des initiatives qui créent des occasions pour les jeunes d’apprendre le patrimoine traditionnel et linguistique.

Lightstone, lui, exprime simplement qu’il poursuivra l’expansion et la mise en œuvre du programme scolaire inuktitut.

Questionné sur sa vision de la francophonie et la construction de relations entre Inuit et francophone, le député sortant commente que les locuteurs français représentent une part importante de la population et joue un rôle indispensable dans la communauté. Il estime que la création de liens se fera par le développement conjoint du langage.

Akearok, qui a rendu disponible sa plateforme électorale en français, approuve le fait que la communauté francophone est bien présente à Iqaluit. Elle croit que le respect mutuel et la collaboration sont essentiels et espère que les personnes d’expression française continueront de s’engager et de partager leurs perspectives. Les écoles, les événements et les rassemblements communautaires sont pour elle des opportunités d’apprendre les uns des autres : « Soutenir des programmes multilingues ou trilingues, promouvoir les échanges culturels et travailler ensemble sur des défis communs comme le logement, la sécurité alimentaire et la santé renforceront ces liens ».