La stratégie était en préparation depuis le début de l’année dans l’objectif d’établir une réponse réalisée par et pour le territoire. Elle a été élaborée à la suite du Sommet sur la sécurité et la souveraineté dans l’Arctique tenu à Iqaluit en juin 2025 et reflète les contributions des dirigeants inuit, des représentants territoriaux et fédéraux, des ainés, des jeunes et d’autres partenaires clés.
Faire entendre les voix du Nunavut
« Alors que la présence du Canada dans l’Arctique se renforce, il est essentiel que le Nunavut participe à l’élaboration des politiques qui façonneront notre avenir », a déclaré le premier ministre P.J. Akeeagok au lancement de la stratégie.
Le président de NTI, Jeremy Tunraluk, a renchéri sur ce propos en affirmant que cette stratégie souligne clairement que la souveraineté dans l’Arctique doit être orientée selon les priorités établies par les Inuit.
Ken Coates est professeur émérite à la Johnson-Shoyama Graduate School of Public Policy de l’Université de la Saskatchewan et se spécialise dans les questions liées à la souveraineté et à la sécurité dans l’Arctique. Il est notamment le co-auteur du livre Arctic Front: Defending Canada in the Far North et préside le Conseil consultatif sur la sécurité arctique du Yukon. Il émet des réserves au sujet de ces affirmations et ne croit pas que de placer les Inuit au cœur de la stratégie se traduira concrètement dans la réalité : « Le gouvernement parle toujours de collaborer avec les autorités régionales, mais, à l’exception des Rangers canadiens, l’approche est aléatoire ».
Il estime également que le Nord n’est peut-être pas aussi central que le suggèrent les discussions actuelles.
« Le schéma historique de la défense arctique est marqué par la négligence, l’intérêt et l’attention épisodiques, ainsi qu’un sous-investissement à long terme. »

Ken Coates avance que le schéma historique de la défense arctique est marqué par la négligence.
Des communautés fortes et résilientes, une vision inuit de la souveraineté et de la sécurité, la reconnaissance du rôle primordial que joue le Nunavut dans la défense de l’Arctique, libérer le potentiel économique du Nunavut et l’adaptation au changement climatique sont les cinq piliers présentés dans le document de 44 pages.
Ken Coates note certains éléments innovants dans ce document comparativement aux versions antérieures, dont l’engagement direct des Inuit et la considération plus large des impacts possibles de la protection et de la sécurité dans le Nord. L’intégration des priorités existantes en matière de défense et de sécurité, le changement climatique, le développement communautaire et l’amélioration de l’économie du Nord ainsi que l’expansion de l’engagement territorial dans la défense et la stratégie de l’Arctique, suivant l’exemple établi par le gouvernement du Yukon sont aussi d’autres nouveautés, soulève le professeur.
La cheffe des opérations stratégiques du Bureau du premier ministre du Nunavut, Sima Sahar Zerehi révèle que le document met de l’avant l’engagement conjoint du gouvernement du Nunavut et de NTI à faire avancer quatre projets de construction nationale. Il s’agit du Corridor de sécurité arctique Gray Bay Road, le port en haute mer de Qikiqtarjuaq, le projet hydroélectrique d’Iqaluit et celui de Kivalliq Hydro-Fibre Link.
Sur sa page Facebook le jour du lancement de la stratégie, Lori Idlout, député du Nouveau Parti Démocratique (NPD) au Nunavut déclarait que les Inuit sont empêchés de participer à la sécurité arctique à cause de la grave pénurie de logements, des taux plus élevés de pauvreté et de chômage ou encore l’augmentation des déplacements médicaux en raison du manque de services de santé de base au Nunavut.
« Investir pour s’attaquer à ces obstacles indiquera très certainement que la souveraineté arctique est tout aussi importante que la sécurité de l’Arctique. Je vais surveiller quelle part du budget à venir le Premier ministre Carney donnera à l’Arctique pour nourrir les enfants inuit affamés et pas seulement pour aménager des routes au profit des compagnies minières »
L’Arctique sous pression
La stratégie souligne la nécessité de renforcer les capacités des Rangers et des gardiens environnementaux inuit comme yeux et oreilles de l’Arctique. Interrogée sur les menaces identifiées par le gouvernement territorial ainsi que les moyens utilisés pour les contrer, Sima Sahar Zerehi explique que cette évaluation est du ressort du fédéral.
Elle précise néanmoins qu’avec la fonte de la banquise et les changements climatiques, le Nunavut verra une augmentation de l’activité maritime dans ses eaux, y compris dans des zones stratégiques comme le passage du Nord-Ouest. « Cela signifie qu’il y a un besoin pressant et émergent de ports et de capacités de recherche et sauvetage pour faire face à d’éventuelles urgences telles que des déversements de pétrole. Il est aussi essentiel d’investir dans des infrastructures résilientes au climat » poursuit-elle.
De son côté, Ken Coates identifie d’autres menaces présentes dont l’affirmation russe et l’aventurisme militaire, l’engagement chinois dans l’Arctique et l’incertitude géopolitique mondiale en général.