le Mardi 16 Décembre 2025
le Mardi 16 Décembre 2025 11:15 Local

Le périlleux voyage d’une huître jusqu’au Nunavut

Près de 2000 huîtres ont été servies lors du traditionnel souper de l’Association des francophones du Nunavut. — Crédit : Brice Ivanovic
Près de 2000 huîtres ont été servies lors du traditionnel souper de l’Association des francophones du Nunavut.
Crédit : Brice Ivanovic

Transport aérien, chaine du froid et normes sanitaires : nombreux sont les défis pour acheminer le précieux mollusque jusqu’à Iqaluit. Chaque livraison devient une véritable course contre la montre pour garantir la fraîcheur de produit incontournable du temps des fêtes.

Le périlleux voyage d’une huître jusqu’au Nunavut
00:00 00:00

Au Canada, la sécurité alimentaire relève d’une responsabilité partagée entre le gouvernement, l’industrie et le public consommateur. Pour en garantir le maintien, le Règlement sur la salubrité des aliments au Canada (RSAC) établit des exigences pour les véhicules transportant des denrées, y compris des huîtres. 

L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) diffuse aussi des guides à l’intention de l’industrie pour tout ce qui touche à la production et à la transformation. 

Le défi de conserver la bonne température

Le département des relations avec les médias de l’ACIA explique que, dans les véhicules transportant les huîtres, le froid doit être maintenu à un niveau qui est sans danger pour la nourriture (température interne de l’huître égale ou inférieure à 4 °C) et que les entreprises de livraison doivent être équipés d’instruments offrant la possibilité de contrôler, d’indiquer et d’enregistrer ce paramètre afin qu’il puisse être vérifié. « Cela permet d’empêcher la croissance d’agents pathogènes nuisibles et de préserver la qualité des aliments », affirme une porte-parole de l’ACIA, comme la bactérie Vibrio parahaemolyticus par exemple. 

Pour s’assurer que la chaine du froid est respectée, l’organisation effectue des vérifications et des inspections, prélève des échantillons pour l’analyse microbiologique et chimique et examine les plans de salubrité des aliments des entreprises pour garantir que ces dernières répondent aux exigences.  

Contactée pour en apprendre davantage sur les défis que leur pose la livraison d’huîtres au Nunavut et la surveillance présente lors du transport, Canadian North n’avait pas réagi à notre courriel au moment d’écrire ces lignes. Le gel représente le danger le plus important pour l’huître, notamment lors du stockage dans les entrepôts, car il la tue. 

Le 29 novembre dernier, l’Association des francophones du Nunavut (AFN) a tenu avec succès son traditionnel souper d’huître durant lequel quelque 2000 spécimens ont été servies aux convives.  

Christian Ouaka, directeur général de l’AFN explique que plusieurs étapes sont nécessaires pour garantir que le mollusque arrive sécuritairement à destination. Tout d’abord, avant de proposer l’événement à la communauté, il prend contact avec son fournisseur basé à Ottawa, Jost Kaufmann Seafood Corporation. Cette étape permet de valider que la marchandise sera disponible lors de la soirée puis de lancer officiellement la vente des billets.    

Ce distributeur de poissons et de fruits de mer, qui reçoit quelques commandes par année pour des groupes dans le Nord, indique pour sa part que le fait d’offrir ses produits dans la région ne lui occasionne aucun enjeu supplémentaire.  

Une fois la disponibilité des huîtres établie, un défi additionnel apparait pour l’AFN : obtenir rapidement les confirmations des participants. Contrairement à d’autres événements, les membres doivent s’inscrire au plus tard une semaine à l’avance. Pour le récent souper, ce sont 80 invités qui étaient attendus et 24 huîtres par personne avaient été prévues.  

L’enjeu du cargo afin que les produits demeurent frais demande aussi une excellente coordination. Généralement, la cargaison arrive soit la veille ou au maximum le matin du rassemblement, tout dépendant l’horaire des vols.

«On croise les doigts pour qu’il n’y ait pas un problème au niveau de l’avion et du cargo parce que s’il y en atout est bon à jeter et ce sont des commandes qui sont assez coûteuses.»

— Christian Ouaka, directeur général de l'AFN

Heureusement, au fil des ans, tout ce processus s’est déroulé sans anicroche et l’AFN n’a jamais eu à subir de pertes. 

Des huîtres un jour au Nunavut ? 

Chris McKindsey est chercheur à l’Institut Maurice-Lamontagne de Pêches et Océans Canada et expert en aquaculture. Il se déplace souvent au Nunavut dans le cadre de son travail. Selon lui, le principal obstacle à l’élevage d’huîtres au Nunavut demeure la température de l’eau, qui est trop basse, pour soutenir un cycle de croissance.  

Il mentionne cependant qu’au plus fort de la saison estivale, l’eau peut atteindre environ 10 °C dans la baie d’Ungava et autour de l’île de Baffin. Selon lui, cela laisse entrevoir une possibilité d’aquaculture dans ces deux zones, mais aucune étude n’a jamais été menée à ce sujet à sa connaissance. 

Il rappelle toutefois que la présence de glaces en hiver poserait son lot de défis. « Il faudrait même maintenir une température plus élevée qu’en été pour obtenir un meilleur rendement », explique le chercheur. 

Il croit que promouvoir l’aquaculture de l’huître à Iqaluit serait très intéressant, mais représenterait un défi de taille. Cela demanderait beaucoup d’espoir rigole-t-il ainsi que des conditions propices au développement des œufs. « Ce serait réalisable, mais il faudrait quelqu’un de déterminé pour tenter l’aventure », conclut Chris McKindsey.