le Vendredi 7 novembre 2025
le Vendredi 7 novembre 2025 11:01 | mis à jour le 7 novembre 2025 11:05 Opinions

L’avenir des communautés francophones en situation minoritaire passe par l’immigration

Yan Plante est le directeur général du Réseau de développement économique et d’employabilité du Canada.  — Courtoisie
Yan Plante est le directeur général du Réseau de développement économique et d’employabilité du Canada.
Courtoisie

LETTRE OUVERTE – À l’heure où l’immigration fait régulièrement les manchettes, le Réseau de développement économique et d’employabilité du Canada (RDÉE Canada) profite de la 13e Semaine nationale de l’immigration francophone, pour apporter un autre éclairage. Nous voulons remercier haut et fort les personnes immigrantes francophones d’enrichir notre francophonie et de contribuer pleinement à sa pérennité.

L’avenir des communautés francophones en situation minoritaire passe par l’immigration
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Depuis près de 30 ans, le RDÉE Canada œuvre au développement économique et à la vitalité des communautés francophones et acadienne en situation minoritaire à travers le pays. Cette position privilégiée nous permet de constater quotidiennement que l’immigration francophone n’est pas qu’une question de langue ou de culture, mais également un moteur essentiel de prospérité.

Aujourd’hui, près de 3 millions de locuteurs francophones vivent en situation minoritaire au Canada. Cependant, le poids démographique des francophones hors Québec continue de diminuer -passant de 3,8 % en 2016 à 3,5 % en 2021.

Ce recul rappelle l’importance de maintenir une proportion significative d’immigration francophone à l’échelle nationale, pas seulement au Québec. C’est essentiel non seulement pour combler les pénuries de main-d’œuvre sectorielles, mais aussi pour préserver le poids démographique, culturel et politique des francophones dans l’ensemble du pays. 

L’année dernière, plus de 30 000 immigrants francophones ont choisi de s’établir au Canada et à l’extérieur du Québec, une hausse encourageante pour les communautés francophones en situation minoritaire. 

Pour que l’immigration soit un succès autant pour la personne qui fait le choix d’immigrer au Canada que pour la communauté d’accueil, il est impératif d’améliorer notre capacité à recevoir les nouveaux arrivants et à s’intégrer.  Avoir accès à un emploi, un logement, des écoles, des soins de santé, c’est la base. Mais avoir aussi la possibilité de participer à la vie communautaire, de se faire des amis et de s’épanouir autant professionnellement que personnellement sont aussi des éléments clés du succès.

Si la mobilité de la main-d’œuvre et la reconnaissance des acquis se heurtent encore à de nombreux obstacles au Canada – les provinces s’imposant entre elles trop de barrières – la situation est sans doute encore plus marquée lorsqu’il s’agit de la main-d’œuvre issue de l’immigration.

Il y a quelques mois, je me trouvais dans une province dans le cadre de mes fonctions.  Dans la même conversation où on me parlait de la crise du logement et de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la construction, on m’a raconté l’histoire de ce maître électricien avec 20 ans d’expérience dans son pays d’origine, récemment débarqué dans cette province avec sa famille.  L’organisation responsable d’attribuer les permis de compétences aux électriciens aurait refusé que cette personne passe un test de compétences et l’aurait plutôt forcé à commencer au bas de l’échelle, comme si elle sortait à peine de l’école des métiers. 

Ce type de corporatisme est d’une grande nuisance.  Parce que s’il faut évidemment protéger le public en assurant que certains corps professionnels possèdent sans aucun doute les compétences requises à leur travail, ne même pas faire passer un examen à une personne pour ensuite établir la mise à niveau nécessaire est déplorable et incohérent avec les besoins criants.

Le pire, c’est que nous entendons des histoires similaires trop souvent, partout au pays et rien n’y change.

Et saviez-vous que la population francophone à travers le monde est en pleine croissance? Certaines projections la voient doubler d’ici quelques décennies à peine pour passer à 700 millions de personnes.  Si le Canada se positionne bien, il y aura là des opportunités incroyables pour notre pays et la présence de deux langues officielles devrait être un avantage comparatif important pour les affaires et les partenariats.

Mais pour saisir ces opportunités, nos entreprises doivent pouvoir compter sur une main-d’œuvre qualifiée, diversifiée et fière de s’exprimer en français.

Dans un contexte où les débats politiques sur l’immigration se tendent, nourris par les défis liés au logement, à la pression sur les services publics et à l’incertitude économique, il est crucial de rappeler une évidence trop souvent occultée : l’immigration demeure une richesse, une force et une fierté collective.  C’est notre responsabilité commune d’assurer une expérience positive autant pour la personne immigrante que pour la communauté d’accueil.

Le français fait partie de notre héritage, de notre identité et de notre avenir. Préserver et faire rayonner cette langue partout au pays, incluant dans les 9 provinces et les 3 territoires où elle est en minorité linguistique, c’est aussi reconnaître celles et ceux qui la font vivre, jour après jour, dans nos écoles, nos entreprises, nos institutions et nos quartiers.  Les faits sont têtus et à l’évidence, la pérennité de la francophonie canadienne hors Québec passe beaucoup par l’immigration francophone. Célébrons-la cette semaine, en faisons-en un succès structurel.