le Mercredi 22 octobre 2025
le Mardi 21 octobre 2025 15:02 Communauté

Les yeux et les oreilles de Kugaaruk

L’été dernier, les gardiens inuit de Kugaaruk ont entrepris une sortie de pêche à Kellett River et ont remis les poissons pêchés aux membres de la communauté dans le besoin.  — Crédit : ArctiConnexion
L’été dernier, les gardiens inuit de Kugaaruk ont entrepris une sortie de pêche à Kellett River et ont remis les poissons pêchés aux membres de la communauté dans le besoin.
Crédit : ArctiConnexion

L’Association des chasseurs et trappeurs Kurtairojuark (KHTA) de Kugaaruk a lancé l’été dernier une initiative de gestion et de surveillance du territoire dirigée par les Inuit. Tout au long de l’année et ce, deux à trois fois par semaine, six gardiens patrouillent la terre, la glace et la mer environnant la communauté.

Les yeux et les oreilles de Kugaaruk
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Avec l’augmentation du trafic maritime, l’intérêt pour les ressources du Nunavut et les changements climatiques, la KHTA et ses membres ont exprimé la nécessité de surveiller et de protéger la zone traditionnelle, abondante et historiquement significative de Kugaaruk. L’objectif serait d’être en mesure d’avoir des patrouilles à temps plein cinq jours par semaine.

Offrir un sentiment de sécurité

Adrian Bohlender, directeur de la KHTA explique que les tâches des gardiens inuit sont multiples :

« Ils jouent un rôle clé dans la surveillance, l’identification et le signalement des enjeux ou des préoccupations sur la terre, la glace et l’océan. »

Toujours selon le directeur, l’aide ou la conduite de recherches pour la KHTA et les parties prenantes, la réalisation d’activités de récolte pour les membres de la communauté ayant un accès limité à la nourriture traditionnelle et l’installation ou l’amélioration des infrastructures le long des routes de chasse communes comptent parmi les responsabilités des gardiens. La récupération d’équipement pour les chasseurs et la participation à des opérations de recherche et de sauvetage lorsque nécessaire peuvent aussi s’ajouter à leurs fonctions.

Francis Anaittuq est l’un des six gardiens inuit qui composent la patrouille de Kugaaruk. Il indique que c’est le devoir de protéger le territoire qui l’a motivé à endosser ce rôle. Tout comme ses acolytes, il est un chasseur et a grandi dans un mode de vie traditionnel dans la communauté, ce qui lui en donne une bonne connaissance.

De son opinion, certains endroits sont particulièrement importants à surveiller, notamment les sites miniers ainsi que la zone de la Distant Early Warning Line (DEW Line), puisque ce terrain a été perturbé et contient des débris qui peuvent affecter la terre et les animaux. 

Adrian Bohlender estime que ce programme apporte de nombreux avantages pour les résidents, dont une meilleure disponibilité de la nourriture traditionnelle, que ce soit par l’entremise de la distribution ou d’un accès amélioré aux aires de chasse. Le sentiment de sécurité que procure cette initiative est aussi un aspect majeur à considérer. « Les membres de la communauté savent et ont confiance qu’il existe toujours un groupe prêt à offrir de l’aide », poursuit-il.

Six gardiens inuit ont la charge de patrouiller la terre, la glace et la mer autour de la communauté.

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Soutien logistique et opérationnel

Les surveillants ont à leur disposition trois véhicules tout-terrain et trois motoneiges. Des démarches sont en cours pour acquérir un traîneau et un bateau. D’autres équipements comprennent des tentes et du matériel de plein air, des téléphones, de l’essence ainsi que de la nourriture. « C’est similaire à ce que vous utiliseriez pour le camping ou les sorties de chasse moderne. Ce sont des fournitures essentielles avec lesquelles ils sont familiers et habitués », déclare Adrian Bohlender.

ArctiConnexion représente l’organisation qui accompagne la KHTA dans le développement et la mise en œuvre de cette initiative, comme cela a déjà été fait à Taloyoak, Pangnirtung et Arctic Bay dans le passé. « Nous offrons notamment la formation et le soutien pour accroître les capacités et compétences locales pour les opérations du programme, l’aide à la planification et aux aspects logistiques et le renforcement des habiletés de terrain pour les gardiens », affirme Vincent L’Hérault, président-directeur général d’ArctiConnexion.

Le Fonds mondial pour la nature Canada (WWF-Canada) a aussi facilité et coordonné la participation à des ateliers d’échange de connaissances avec de nombreuses associations.

S’adapter aux changements climatiques

En décembre prochain, les gardiens inuit de Kugaaruk seront aux côtés de SmartICE pour mener des activités de surveillance de la glace afin de recueillir des données de référence, ce qui permettra de déterminer comment s’adapter ou atténuer les effets des changements climatiques.

Adrian Bohlender révèle que les patrouilleurs sont constamment appelés à ajuster leurs interventions en tenant compte des perturbations de l’environnement. Par exemple, dans le passé, des personnes ont parcouru le territoire en fin de saison printanière pour vérifier l’épaisseur de la glace afin d’informer les membres de la communauté s’il était sécuritaire ou non de chasser ou de se déplacer à des endroits spécifiques.

Il est aussi arrivé que de petites infrastructures aient été construites telles que des ponts le long des ruisseaux ou rivières qui se sont érodés au fil des ans, rendant la traversée dangereuse. « Des exemples comme ceux-ci peuvent sembler minimes, mais sont essentiels pour assurer la surveillance par la collecte de données afin de mesurer ou d’enregistrer les changements climatiques. Cela nous permet de revenir sur des renseignements recueillis lors d’années antérieures et de les comparer à de nouvelles informations pour déterminer comment nous pouvons nous adapter », conclut Adrian Bohlender.