le Mercredi 8 octobre 2025
le Lundi 6 octobre 2025 10:08 | mis à jour le 6 octobre 2025 10:11 Francophonie

« On doit essayer de se solidariser dans le milieu médiatique canadien »

Après avoir pris ses fonctions en janvier 2025, Marie-Philippe Bouchard est partie à la rencontre des acteurs de la francophonie minoritaire pour faire un premier état des lieux, et envisager quelques pistes de collaboration avec les médias communautaires. — Site web - Radio-Canada
Après avoir pris ses fonctions en janvier 2025, Marie-Philippe Bouchard est partie à la rencontre des acteurs de la francophonie minoritaire pour faire un premier état des lieux, et envisager quelques pistes de collaboration avec les médias communautaires.
Site web - Radio-Canada

Marie-Philippe Bouchard, présidente-directrice générale de Radio-Canada était en visite à Iqaluit mardi 23 septembre, et s’est arrêtée au micro des médias communautaires franco-nunavummiut : CFRT et Le Nunavoix. Une occasion pour aborder les défis auxquels font face nos médias dans le Nord, et d’évoquer des pistes de collaboration.

« On doit essayer de se solidariser dans le milieu médiatique canadien »
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Quels rôles doivent remplir nos médias locaux et nationaux dans un contexte de francophonie en situation minoritaire ?  

Marie-Philippe Bouchard : Ce sont des éléments fondamentaux pour l’identité et la culture, mais également au niveau de l’information. Ils permettent à une communauté de se mobiliser, de faire ses propres choix. Les médias sont une constellation. Le service public y joue un rôle structurant, permettant d’assurer un service de base pour tous. Il y a les médias communautaires et des médias privés qui viennent compléter cette offre. C’est un territoire dans lequel on collabore, mais nous sommes aussi en concurrence pour capter le temps d’attention des gens. Dans ma conception des choses, notre plus grand concurrent est à l’extérieur de nous, avec différentes plateformes comme Youtube par exemple, qui mobilisent ce temps d’attention avec des vidéos de toutes sortes. C’est très important d’avoir une conscience de la masse critique que ça prend au sein de tous nos médias pour réussir à créer un environnement qui est sain pour nos communautés.  

Nous avons des défis uniques dans le Grand Nord, notamment en matière de visibilité et d’accessibilité. Vous parliez de concurrence externe avec l’essor de nouvelles plateformes. Par exemple ici au Nunavut, la vidéo est un défi pour tout le monde en raison d’un manque de ressources humaines notamment. Quelles petites solutions pourrait-on trouver pour combler progressivement le retard sur ce qui peut se faire dans les grands centres urbains  

Effectivement, nous avons nous-mêmes, à Radio-Canada, cette transition à faire. Nous avons des obligations dans nos médias traditionnels de publier X quantités d’informations quotidiennes. Depuis quelques années, on travaille également sur des formats plus légers, notamment des vidéos verticales. On forme également de jeunes journalistes, des plus anciens aussi, à utiliser ces méthodes de production. Pour en avoir parlé avec des chef.fes de nouvelles et nos équipes, c’est sûr que les gens deviennent extrêmement polyvalents. Couvrir un sujet en nourrissant tous les points de contacts comme un texte bref, un clip audio à utiliser en ondes, une vidéo et éventuellement un reportage : c’est très taxant et ça enlève du temps de « cueillette ». Il y a un bon équilibre à trouver, et pour les plus petits médias c’est un énorme défi. Si on peut partager les bonnes pratiques et essayer de développer de bonnes méthodes de travail, ce sera une œuvre utile.  

Marie-Philippe Bouchard aux côtés du rédacteur en chef du Nunavoix, Brice Ivanovic, de la direction générale de l’AFN, Christian Ouaka, et Franck Bleu, gestionnaire de la radio CFRT 107.3. La PDG de Radio-Canada a répété son envie de soutenir les différents médias communautaires durant son mandat. 

Quelles sont les ressources déployées par Radio-Canada ICI Grand Nord ?  

 Je n’ai pas vraiment tout le détail pour être honnête, j’ai pris mes fonctions il y a peu. Nous avons des effectifs à Whitehorse (Yukon), Yellowknife (TNO), une vidéojournaliste ici à Iqaluit pour le Nunavut, et des ressources à Kuujjuaq dans le nord du Québec. C’est la constellation du Grand Nord dont la direction est basée à Vancouver, qui coordonne toutes ces ressources. En plus du service local, il y a aussi le reflet du Grand Nord, par le billet de nos productions et l’alimentation du site ICI Grand Nord avec du contenu textuel, audio et vidéo, on reflète la réalité francophone du nord et l’actualité du nord dans le reste du pays.  

Il fut un temps où il y avait formation dans le Nord. Le Collège Arctique formait des journalistes, des étudiants qui venaient de diverses communautés arctiques. Ce programme n’existe plus.

— Marie-Philippe Bouchard, PDG de Radio-Canada

Une autre réalité du Nord, c’est la complexité pour attirer du personnel retenir cette main d’œuvre. Comment y remédier ?  

 Il fut un temps où il y avait formation dans le Nord. Le Collège Arctique formait des journalistes, des étudiants qui venaient de diverses communautés arctiques. Ce programme n’existe plus. On a donc tendance à recruter des journalistes formés et diplômés, qui viennent du sud. Les enjeux de logement, ici à Iqaluit par exemple, sont extrêmement complexes, et toutes les organisations sont confrontées à ce défi. C’est difficile d’attirer quelqu’un qui a une jeune famille dans un endroit où on n’est pas certain de pouvoir le loger correctement. Même tout seul ce n’est pas simple. Le défi de venir prendre la mesure de ce territoire et ses complexités est un facteur attractif, en revanche. L’aspect multitâches peut être également un argument, mais ça peut aussi en rebuter. Ceux-là : ce n’est pas pour eux. Travailler dans le Grand Nord, ça implique d’être capable de faire beaucoup de choses et apprendre à déployer toutes sortes d’outils. Ça en motive énormément et ce sont ces personnes que nous voulons recruter. 

Des réflexions sont-elles à mener autour de projets conjoints entre nos structures ? 

Ma philosophie générale, c’est que le grand concurrent il est dehors : aux États-Unis, sur les grandes plateformes étrangères etc. On doit essayer de solidariser dans le milieu médiatique canadien, se donner des coups de pouce, tout en maintenant une diversité des voix. Je pense que c’est très important qu’il n’y ait pas d’uniformisation du message, et que les angles journalistiques restent diversifiés. Tout ça passe par l’existence de médias communautaires, privés, indépendants et du média public. C’est une cohabitation qui doit être favorisée par le diffuseur public dans tout ce qui est possible. Tout ne peut pas l’être, mais beaucoup de choses le sont. On a un historique de collaborations avec des médias communautaires. Le bon partenariat viable et durable : c’est un enrichissement mutuel. Il doit être fait sur mesure. Chaque média a des enjeux et positionnements différents. C’est dans notre plan stratégique de pouvoir soutenir l’existence et le dynamisme des médias communautaires. Dans cet univers numérique, on peut imaginer du partage de ressources de base ou de coordination pour partir en reportage, du référencement mutuel pour augmenter le trafic vers nos contenus. Nous avons les mêmes publics, la même cible.