le Mercredi 8 octobre 2025
le Jeudi 2 octobre 2025 17:16 | mis à jour le 8 octobre 2025 12:18 Francophonie

Crise au Carrefour Nunavut : une assemblée générale pour tourner la page

Francis Essebou, directeur général, dresse le bilan annuel de l’organisme sous le regard de son président, Benoit Havard. — Crédit : Brice Ivanovic
Francis Essebou, directeur général, dresse le bilan annuel de l’organisme sous le regard de son président, Benoit Havard.
Crédit : Brice Ivanovic

Après une année de crise marquée par un changement de présidence en août dernier, l’organisme francophone de développement économique au Nunavut a élu un nouveau conseil d’administration ce vendredi 26 septembre, et souhaite désormais repartir de l’avant. Les membres ont renouvelé leur confiance en Benoit Havard, élu par intérim après l’éviction de Nicholas Rodrigues, et enteriné l'année 2024-2025.

Crise au Carrefour Nunavut : une assemblée générale pour tourner la page
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L’ambiance quelque peu tendue et hésitante au moment d’ouvrir l’assemblée générale du Carrefour Nunavut traduisait une certaine appréhension après les derniers événements traversés par l’organisme francophone. Des événements que l’on peut qualifier de véritable crise interne. « Personne n’est venu ici pour mettre le trouble ? » lançait Benoît Havard au moment d’ouvrir les débats devant une trentaine de membres, avant de poursuivre : « C’est stressant d’être président ».

Il faut dire que la précédente assemblée générale extraordinaire fut loin d’être un long fleuve tranquille, le 19 août dernier au Franco-Centre.  Destitué par les membres avec l’ensemble du conseil d’administration, l’ex-président Nicholas Rodrigues avait contesté le fondement et l’irrégularité de son éviction, soulevant des tensions.

Une trentaine de membres ont assisté à cette assemblée générale annuelle du Carrefour Nunavut.

Crédit : Brice Ivanovic

« Nous avons hérité d’un champ de ruines »

 À l’ordre du jour figurait notamment l’adoption du procès-verbal de l’AGE tenue à la fin de l’été, mettant en lumière des « problèmes éthiques », des « conflits d’intérêt », et des « menaces » qui auraient été proférées. Le Nunavoix n’a néanmoins pas pu recueillir d’éléments de preuve.

Benoit Havard a ensuite présenté le rapport de la présidence par intérim, mettant en lumière de graves difficultés : « Notre première responsabilité était de prendre contact avec le cabinet comptable afin de relancer l’audit financier », félicitant l’équipe pour son travail rigoureux qui a permis d’aller au bout du processus légal.

Autre priorité, la justification par l’ancien conseil d’administration de la mise à l’écart du directeur général, Francis Essebou.

« L’enjeu était de comprendre cette mise à l’écart. Aucune réponse ne nous a été transmise, nous avons donc pris une résolution pour annuler cette décision. Nous réaffirmons notre confiance au directeur général et nous le remercions pour avoir eu le courage de signaler les dérives et agissements de l’ancienne gouvernance. »

— Benoit Havard, président du Carrefour Nunavut

Benoit Havard a ensuite salué par la même occasion le courage de Thierry Noutack, ancien secrétaire du CA « pour avoir su se retirer des manipulations avec intégrité ». En entrevue avec Le Nunavoix, Thierry Noutack a dit « avoir constaté que des membres du CA piétinaient les statuts et les règlements pour mettre en minorité le directeur général face à l’agenda qu’ils voulaient imposer. »

La gouvernance provisoire avait également demandé la remise des procès-verbaux lors de la précédente AGE.

« À ce jour, rien ne nous a été parvenu. Nous n’avons rien trouvé dans aucun matériel, aucune boîte courriel, ni dans les espaces partagés. Je vais être clair : nous avons hérité d’un champ de ruines. »

— Benoit Havard

Les comptes auraient été gelés, des salaires bloqués, et des partenaires pas payés à temps. Trois employés auraient également quitté leur poste pour des raisons de « nombreuses situations de harcèlement ». « C’est tragique, c’est indécent, personne ne mérite ça » regrettait celui qui est également le fondateur de White Bear Adventures, dénonçant, malgré une saine situation financière, « des jeux d’égos et une crise étalée sur place publique ».

Pour illustrer la gravité de la situation, une représentante d’un des principaux bailleurs de fonds de l’organisme, Immigration Réfugiés Citoyenneté Canada, a assisté à cette assemblée générale en la personne de Jennifer McWilliams, alors qu’une entente pour un montant d’1,5 million de dollars a été récemment signée entre Carrefour Nunavut et le gouvernement fédéral sur 5 ans.

Avant d’ouvrir le processus de mises en candidature pour l’élection du nouveau conseil d’administration, Benoit Havard a lancé un appel solennel à Nicholas Rodrigues, qui n’était pas présent dans la salle :

« Il faut tourner la page. La francophonie économique du Nunavut doit avancer, nous sommes ici pour servir et non pour diviser. Nous ne devons pas devenir otages de querelles personnelles. »

Les membres ont pu exprimer leurs craintes et questionner la présidence par intérim : « Comment éviter que tout cela ne se reproduise ? ». Collins Tagninou a notamment répondu par la volonté de mettre en place un comité éthique, et d’introduire plus de « figures féminines dans le conseil d’administration ».

Quant au directeur général Francis Essebou, celui-ci a défendu un bilan qu’il a qualifié de « tournant majeur avec un budget en augmentation » et balayé les allégations tenues à son encontre :

« Il n’y a pas eu de mauvaise gestion, contrairement aux rumeurs. »

La nouvelle gouvernance a réitéré sa confiance en Francis Essebou, directeur général.

Crédit : Brice Ivanovic

Nouveau conseil d’administration

Cinq postes étaient donc à pourvoir au sein du nouveau conseil d’administration. Benoit Havard a été réélu par acclamation à la présidence, pour un mandat d’un an. Christ Vladimir, gérant du Snack, devient secrétaire-trésorier pour un mandat de deux ans. Du côté des administrateurs, 5 mises en candidature ont été proposées. Louis Kamdem, Thierry Noutack et Isabelle Din Dika ont été élu.es par acclamation, après le retrait de Pierre Essoh au profit de cette dernière, allant dans le sens de la volonté de la nouvelle gouvernance pour un CA plus inclusif.

Lors de son discours, Benoît Havard s’est projeté vers l’avenir : « Nous devons reconnaître que nous sommes accueillis par un peuple : le peuple inuit. On doit penser aux générations précédentes, et aux futures. Je veux permettre à la communauté inuit de voir l’intérêt qu’elle a à travailler avec nous ».

Le nouveau conseil d’administration, de gauche à droite : Christ Vladimir, Thierry Noutack, Francis Essebou, Benoit Havard, Isabelle Din Dika, Louis Kamdem.

Le nouveau conseil d’administration a ensuite donné une liste d’orientations prioritaires, articulées autour de la diversité, la création d’un comité éthique, la révision des statuts et une ouverture plus large pour l’adhésion. « Nous devons inclure les particuliers » conseillait Cheick Cissé, membre du Carrefour. « Nous devons nous projeter et ne pas nous retourner », a rebondi Goump Djalogue, président de l’AFN. « Il faudra tout de même qu’il y ait des conséquences. On ne peut pas nous mettre devant la Cour et vouloir revenir travailler avec nous », a répondu Benoit Havard.