le Lundi 13 octobre 2025
le Mardi 23 septembre 2025 14:59 Santé

Davantage de soutien et d’aide réclamés pour les enfants atteints du TSAF

Dre Émilie Cyr, qui a résidé 10 ans à Iqaluit, a travaillé avec les enfants touchés par le TSAF et leurs familles.  — Fournie par Émilie Cyr
Dre Émilie Cyr, qui a résidé 10 ans à Iqaluit, a travaillé avec les enfants touchés par le TSAF et leurs familles.
Fournie par Émilie Cyr

Le 9 septembre était la Journée internationale de sensibilisation à l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale. La réduction de la stigmatisation, le soutien communautaire et l’accès à des cliniques d’évaluation sont cités par des professionnels de la santé comme des enjeux majeurs à ce sujet.

Davantage de soutien et d’aide réclamés pour les enfants atteints du TSAF
00:00 00:00

En 2020, le gouvernement du Canada a officiellement désigné septembre comme le Mois de la sensibilisation au trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF), une initiative visant à sensibiliser le public et aider les personnes victimes.  

Au Nunavut, il est impossible de connaitre la prévalence du TSAF et de savoir où se situe le territoire par rapport au reste du pays, car ni l’administration territoriale, ni Statistique Canada ne compilent ces informations.  

Des mesures de soutien particulières 

Ayant habité Iqaluit de 2014 à 2024, la neuropsychologue Dre Émilie Cyr a écrit l’essai « Évolution du profil cognitif chez des enfants exposés à l’alcoolisation fœtale » sur le TSAF dans le cadre de son doctorat effectué à l’Université du Québec à Trois-Rivières en 2011. Lorsqu’elle est arrivée sur le territoire, elle a constaté qu’il y avait une forte demande et très peu de services en santé mentale pour les jeunes.

«Ce qu’il faut savoir quand on rencontre un enfant pour un trouble d’alcoolisation fœtale, lenjeu ou la difficulté, cest que ça prend idéalement plus qu’un professionnel. On demande vraiment une évaluation multidisciplinaire, ce qui fait que c’est complexe dans une place comme le Nunavut. »

— Dre Émilie Cyr

Une clinique pilote d’évaluation du TSAF avait été lancée, avec entre autres la pédiatre Dre Amber Miners (qui travaille encore aujourd’hui à l’Hôpital général Qikiqtani) et qui est membre d’une équipe pratiquant des examens diagnostiques au Centre de ressources Piruqatigiit. 

Le « Guide de l’aidant: Clinique d’évaluation du TSAF » produit par le centre de ressources Piruqatigiit indique que chaque individu atteint possède à la fois des forces et des défis et aura besoin de mesures de soutien particulières pour l’aider à réussir dans de nombreux aspects de sa vie quotidienne ».  

Parmi les sphères où des difficultés peuvent apparaître, outre les handicaps moteurs, notons celles de l’apprentissage, de la mémoire, des dérèglements affectifs, des troubles de l’attention et de la concentration, de l’hyperactivité, des problématiques entourant les relations sociales ainsi qu’au niveau de la perception sensorielle. 

Un système « maintenu à bouts de bras » par des organismes communautaires 

Comme ailleurs au Canada, Dre Amber Miners croit que l’évaluation et le soutien pour le TSAF ne sont pas suffisants au Nunavut. Et bien que les cliniques d’évaluation soient essentielles, elle rappelle que l’aide communautaire l’est tout autant : «Avoir un diagnostic et être évalué contribue à clarifier les besoins spécifiques des enfants afin daller chercher les ressources les plus appropriées».

Elle pense que sans évaluations complètes, il manque parfois d’informations cruciales qui peuvent entraîner l’exclusion de ces jeunes de l’école ou d’activités ainsi que des difficultés avec le sommeil et la nutrition par exemple.  

Dre Émilie Cyr abonde dans ce sens et estime que les personnes touchées par le TSAF nécessitent davantage d’encadrement et de ressources :

«C’est là que le bât blesse au Nunavut parce qu’il n’y a pas tant de services, les parents sont donc souvent pris dans un parcours et il faut qu’ils aillent cogner à plein de portes, revendiquer plein de choses. C’est difficile pour eux.»

u cours de ses dix années passées à Iqaluit, elle a tout de même été en mesure de constater qu’il y a eu une évolution grâce à des organisations non gouvernementales et communautaires qui ont pris la balle au bond.  

C’est le cas du Centre de ressources Piruqatigiit, dont le bureau principal est situé à Iqaluit, mais dont le personnel se déplace à travers tout le territoire. En plus de programmes d’éducation et de formation, un travail de collaboration est réalisé pour mettre en place un réseau de soutien global et défendre les intérêts des gens touchés par le TSAF. « Notre personnel veille à ce que les Nunavummiut soient priorisés dans l’accès à des services empreints de compassion et axés sur l’individu », explique Adrienne Tagoona, directrice générale du Centre. L’organisme procède aussi à des évaluations auprès des jeunes âgés entre 3 à 17 ans. 

Se décrivant comme une ardente défenseuse du principe « la connaissance, c’est le pouvoir », Dre Émilie Cyr plaide pour que des diagnostics soient établis et que le gouvernement soit aux faits de la prévalence du TSAF afin de mettre en place des programmes officiels avec du financement récurrent.

«Le système est maintenu à bout de bras par des organismes communautaires. C’est fragile quand même. Il faudrait que le gouvernement s’implique un peu plus », interpelle Émilie Cyr.

Au cours de sa pratique au Nunavut, la neuropsychologue a vécu de multiples rencontres marquantes. Elle se souvient particulièrement d’un exemple qui illustre selon elle, parfaitement l’importance de réaliser des évaluations. Alors qu’une maman, qui ressentait une grande culpabilité, accompagnait son enfant pour un possible TSAF, le processus a démontré que ce n’était pas cela. «Sans l’évaluation, cette maman n’aurait jamais su et elle aurait porté cette culpabilité le restant de sa vie».