le Vendredi 30 mai 2025
le Mercredi 28 mai 2025 8:00 | mis à jour le 28 mai 2025 9:13 Sciences et environnement

Un hiver difficile pour la banquise arctique

La baie de Frobisher, encore figée au printemps. — Crédit : Brice Ivanovic
La baie de Frobisher, encore figée au printemps.
Crédit : Brice Ivanovic
Avec une étendue maximale de 14,33 millions de kilomètres carrés enregistrée le 22 mars, la surface couverte par la glace de mer dans l’hémisphère nord n’a jamais été aussi petite lors du maximum annuel, en près de 50 ans de mesure par satellites.
Un hiver difficile pour la banquise arctique
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Un nouveau triste record a été battu en cette fin d’hiver, sonnant comme une piqûre de rappel au cas où nous aurions oublié l’accélération du réchauffement climatique d’origine anthropique. En près de 50 ans de surveillance par satellites, l’extension maximale annuelle de la banquise arctique a atteint son plus bas niveau avec 14,33 millions de kilomètres carrés de surface recouverte par la glace de mer. Le précédent record bas était de 14,41 millions de kilomètres carrés, établi en 2017, tandis que la moyenne 1981-2010 est de 15, 65 millions de kilomètres carrés.

La banquise arctique a connu un recul inédit cet hiver, comme l’illustrent les lignes orange représentant les lisières de glaces moyennes sur la période 1991-2020 (figure de gauche). Les anomalies de concentration cette année se sont produites à ces lisières (figure de droite).

Quatre mois consécutifs de records bas pour l’étendue de glace arctique

L’extension de la glace de mer atteint son maximum en fin de saisonhivernale, tandis que son minimum se produit à la fin de l’été. Malgré une légère Nina, les températures anormalement douces n’ont pas permis à la banquise arctique de se refaire une santé. « Les anomalies de température les plus chaudes se sont produites au nord du Groenland et de l’archipel Arctique canadien », détaille Eleni Armenakis, porte-parole pour Environnement Canada. En février, la température moyenne au pôle Nord a été de 11 degrés supérieure à la normale 1991-2020, située autour des -30 degrés Celsius.

Le mois de février a été particulièrement doux au nord de l’archipel canadien.

Crédit : C3S/ECMWF

Les mois de décembre, janvier, février et mars ont tous un point commun : l’extension de la banquise a systématiquement été inférieure aux niveaux les plus bas pour ces périodes de l’année. Les signaux d’une saison historique étaient présents dès le début de l’hiver, avec une étendue moyenne de glace arctique la plus faible jamais enregistrée en décembre (11,42 millions de km2) d’après le Centre National de données sur la Neige et la Glace de l’Université du Colorado (NSDIC).

Janvier, le plus chaud jamais enregistré au niveau mondial depuis le début des relevés, a eu pour conséquence d’aggraver les retards de progression notamment dans l’est du Canada, en baie d’Hudson, dont la partie sud-est était encore libre fin janvier, dans la mer du Labrador, le golfe du Saint-Laurent ou encore en mer de Barents au nord de la Norvège, ainsi que les autres mers périphériques comme Okhotsk et Bering côté Pacifique. La glace de mer recouvrait alors 13,13 millions de km2, battant ainsi le record de 2018.

Février n’a pas dérogé à la règle avec une lente croissance de la glace pour n’atteindre seulement qu’une étendue de 13,75 millions de km2, soit 220 000 km2 de moins que le précédent record de février 2018, en raison des fortes anomalies thermiques positives qui ont également entrainé une stagnation voire une fonte dans certaines régions.

« Février 2025 s’inscrit dans la lignée des températures record ou quasi record observées au cours des deux dernières années. L’une des conséquences d’un monde plus chaud est la fonte de la glace de mer, et la faiblesse record ou quasi record de la couverture de glace de mer aux deux pôles a poussé la couverture mondiale de glace de mer à un minimum historique »

— Samantha Burgess, directrice adjointe du Service Copernicus et du changement climatique chez ECMWF, par voie de communiqué.

Les conditions se sont ensuite légèrement améliorées après le début du mois de mars pour atteindre le maximum annuel, avant que la glace n’entame ensuite son recul généralisé. Des anomalies positives de concentration ont néanmoins été enregistrées en mer orientale du Groenland, qui fait d’ailleurs figure d’exception avec une étendue de glace proche de la moyenne cet hiver.

Étendue quotidienne de la glace de mer dans l’Arctique d’octobre 1978 au 1er avril 2025.

Crédit : Copernicus – ECMWF

Conséquences néfastes

Avec une perte de 12,5% de surface par décennie entre 1979 et 2021 d’après le service européen Copernicus, soit plus de 2,6 millions de kilomètres carrés, la majeure partie de la banquise arctique devient désormais saisonnière. La glace devient donc de plus en plus jeune, plus fine et plus fragile. Un cercle vicieux se déclenche dès lors par boucles de rétroaction : les eaux libres absorbent plus d’énergie solaire (tandis que la glace la reflète par effet d’albédo) accélérant ainsi le réchauffement et la fonte des glaces voisines. La glace pluriannuelle, ou « vieille glace », se retrouve également fragilisée. D’après le NSDIC, seulement 1% de la banquise datait de plus de 4 ans en 2019, contre 33% en 1984.

Dans un tel contexte en 2025, une question se pose tout naturellement : la banquise arctique atteindra-t-elle des valeurs minimales jamais enregistrées à la fin de l’été, au maximum de la fonte ? « Pas nécessairement », tranche-t-on chez Environnement Canada. « Une faible étendue de glace marine en hiver n’indique pas systématiquement une faible étendue de glace marine en été, car les processus qui entraînent la fonte (en été) sont différents des processus qui entraînent la croissance (en hiver) » poursuit Eleni Armenakis.

Les scientifiques s’accordent à dire que l’Arctique pourrait être libre de glace en été à l’horizon 2050.