Élaboré dans le cadre d’un projet nommé InfraNorth, le rapport de recherche « Country Food Cargo: Transport Infrastructure and Food Sovereignty in Nunavut » explore le lien entre le transport et les aliments traditionnels ainsi que la façon dont cette relation façonne l’avenir du territoire. Guidés par les membres de la communauté, les travaux de la chercheuse ont été menés entre mai 2022 et avril 2025.
L’alimentation traditionnelle : une priorité
À travers des activités variées telles que des ateliers, des événements culturels, des parties de chasse, des concerts, du bénévolat et des groupes de discussion, Katrin Schmid a mené environ 170 entretiens dans les communautés d’Iqaluit, Kimmirut, Pond Inlet, Resolute Bay et Grise Fiord. Il était primordial pour la jeune femme de laisser la parole aux Nunavummiut.
« Centrer les voix locales est une de mes priorités absolues parce qu’en fin de compte, les gens qui vivent ici sont ceux qui connaissent le mieux le contexte et ce sont eux qui vivront tout changement » explique-t-elle.
Elle a aussi sondé la façon dont ils imaginent leur communauté pour l’avenir afin d’analyser comment l’infrastructure construite et planifiée aujourd’hui s’harmonise avec les rêves que les résidents ont pour leurs communautés.
Selon Katrin Schmid, pouvoir continuer à manger régulièrement des aliments traditionnels était une priorité qui revenait sans cesse :
« Les gens s’inquiétaient de la façon dont le développement des infrastructures pourrait entrer en conflit avec leur capacité à chasser. D’autres craignaient de ne plus pouvoir avoir accès à des aliments traditionnels s’ils quittaient leur collectivité d’origine »
Elle révèle avoir été surprise par le coût du transport, mais aussi par l’inefficacité de celui-ci entre les collectivités. « Les Nunavummiut sont conscients de l’importance des aliments traditionnels dans la vie quotidienne, mais le système de transport ne soutient pas toujours adéquatement l’accès aux aliments à travers les communautés du territoire ».
La lecture du rapport dévoile d’ailleurs que de nombreux Nunavummiut dénoncent les problèmes de fiabilité des transports en raison des conditions météorologiques, des pannes mécaniques et des coûts élevés.
Les personnes interrogées soulignent également que les services aériens sont de plus en plus concentrés à Iqaluit, ce qui rend les voyages et le commerce intercommunautaires plus coûteux et plus difficile sur le plan logistique.
Alors que certains avancent le potentiel des routes pour relier les communautés et améliorer l’accès aux ressources, d’autres s’inquiètent des impacts environnementaux sur les terres et les animaux.
« C’est bien beau de penser à avoir une route un jour, mais il faut penser ensuite à toutes les choses qui pourraient avoir un impact sur l’environnement, les gens… » exprimait un résident d’Iqaluit en février 2023.

Katrin Schmid devant le bureau de Transport Canada lors de son plus récent séjour à Iqaluit en avril 2025.
Une série de recommandations
Pour la chercheuse, le développement de l’infrastructure doit s’aligner sur les aspirations des résidents du Nord et non réorienter la vie dans le Nord : « Les Nunavummiut ont des priorités claires pour l’avenir, mettant l’accent sur la nécessité d’un processus décisionnel axé sur la communauté, d’une infrastructure qui répond aux besoins locaux et d’un soutien accru aux connaissances traditionnelles et à la souveraineté alimentaire ».
Bien que Katrin Schmid affirme que les voix de la communauté deviennent de plus en plus centrales dans les discussions, elle estime néanmoins qu’une plus grande diversité de membres pourrait jouer un rôle dans les discussions et la prise de décision.
Parmi ses recommandations, la chercheuse suggère entre autres de fournir un financement à long terme pour les congélateurs communautaires et d’en subventionner l’entretien, en particulier dans les petites collectivités ainsi que de mettre l’accent sur le renforcement des réseaux intraterritoriaux afin d’améliorer les liens entre les communautés.
Privilégier les infrastructures polyvalentes afin de répondre aux besoins économiques et communautaires et soutenir les programmes de métiers et d’apprentissage au secondaire pour former les résidents à l’entretien des infrastructures de transport et d’entreposage font aussi partie des suggestions mises de l’avant.
Katrin Schmid a partagé le fruit de son travail avec certains décideurs et a aussi envoyé des copies de son rapport aux hameaux et aux organisations de chasseurs et de trappeurs des communautés concernées.