D’une durée de quelques heures, la visite du pape François à Iqaluit en 2022 représentait la première fois qu’un souverain pontife se déplaçait au Nunavut. Au cours de ce séjour éclair, l’Argentin a assisté à une cérémonie d’allumage d’un qulliq, rencontré des survivants inuit des pensionnats pour Autochtones et observé des performances de nombreux artistes inuit. Puis, devant les centaines de personnes réunies à l’extérieur de l’école primaire Nakasuk, le Saint-Père a prononcé les mots « je suis désolé » en inuktitut, lui valant des applaudissements sentis.
Des excuses bien accueillies
Piita Irniq, survivant des pensionnats et ancien commissaire du Nunavut était présent lors du passage du Pape à Iqaluit en 2022. Il a réalisé une danse du tambour, souhaitant ainsi démontrer que les efforts du Canada et de l’Église pour assimiler les peuples autochtones étaient vains. À la suite de sa performance, il a offert le tambour qu’il avait fabriqué avec son fils au Pape.
Qualifiant le Pape François comme un homme de paix, de compassion et d’amour pour tous les peuples du monde, il conserve un excellent souvenir de ce moment.
« J’ai de très bons sentiments à l’égard de la visite du Pape au Nunavut qui aura un impact pour longtemps, très longtemps. Il était passionné, se souciait des survivants des pensionnats, des parents qui étaient laissés derrière lorsque nous avons été emmenés pour aller à l’école. Il se souciait aussi beaucoup de l’avenir de nos jeunes. »
L’homme qui a toujours souhaité obtenir des excuses de l’Église catholique dans un objectif de guérison et de réconciliation avoue qu’il n’aurait jamais pensé que le pape François se déplacerait un jour à Iqaluit.
Alexina Kublu est aussi une survivante des pensionnats. Devant le pape, sa sœur Michelline Ataguttaaluk Amaaq a allumé le qulliq de leur mère pendant qu’elle expliquait l’importance de l’action : « J’ai dit que oui, nous, les enfants, étions gravement touchés, mais nos parents et nos grands-parents l’étaient aussi ».
Bien qu’elle affirme être reconnaissante pour les excuses du Vatican, elle se dit plus profondément touchée par la répudiation de la Doctrine de la découverte en mars 2023.
Paul Irngaut, vice-président de Nunavut Tunngavik inc. (NTI) croit que la visite du pape à Iqaluit a été importante et émouvante pour de nombreux Inuit. « NTI a travaillé fort pour s’assurer que les voix des Inuit soient à l’avant-plan de cette journée ».
Il estime que le pape François a amené l’Église catholique à faire face à des vérités difficiles et à remettre en question le silence institutionnel de longue date concernant leur rôle dans la colonisation des Inuit du Nunavut par la violence sexuelle.
Dans une publication Facebook, le premier ministre du Nunavut, P.J. Akeeagok a pour sa part souhaité rappeler l’impact qu’ont eu les excuses du pape pour plusieurs personnes, alors qu’elles ont représenté selon lui « un pas nécessaire vers la guérison ».
« Sa Sainteté le pape François restera toujours dans les mémoires comme le leader spirituel avec le courage moral de présenter des excuses aux Inuit pour les abus qu’ils ont subis par les membres du clergé dans les pensionnats. »
L’affaire Rivoire : « Une occasion manquée »
Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) a rencontré le pape à quatre reprises en 2022 et qualifie ces excuses de « profondément significatives ».
Néanmoins, il estime qu’il s’agissait d’une occasion manquée d’intervenir personnellement dans le cas de Johannes Rivoire, un ancien prêtre oblat vivant en France, accusé d’agressions sexuelles sur des Inuit du Canada, mineurs à l’époque : « La partie la plus difficile de l’héritage est, bien sûr, le père Rivoire, et nos tentatives infructueuses en tant qu’Inuit canadiens de le traduire en justice ici au Canada, et nos supplications directes au pape François pour qu’il intervienne et, au moins, parle directement au père Rivoire en France ».
Paul Irngaut souligne aussi le cas de Johannes Rivoire. Alors que l’homme est décédé l’an dernier en France, le vice-président affirme que « cette vérité restera toujours ».
Il affirme que NTI continue de plaider en faveur d’actions concrètes et de responsabilisation pour remédier aux torts de la colonisation et du système des pensionnats.L’aîné Piita Irniq s’était aussi battu pendant plus d’une décennie pour le retour de Rivoire en sol canadien.