Sous la direction de la conservatrice inuit Emily Laurent Henderson, l’exposition Worlds on Paper : Drawings from Kinngait met de l’avant des dessins inédits qu’ont réalisés une quarantaine d’artistes entre 1957 et 1990, offrant un aperçu rare et sans filtre d’une communauté en transformation.
L’exposition témoigne de l’impact de la colonisation tout en démontrant l’adaptation et la résilience d’une communauté face à des changements sociétaux spectaculaires qui se sont déroulés pendant la deuxième moitié du XXe siècle.
Présenter des œuvres méconnues
Emily Laurent Henderson raconte avoir choisi « Worlds on Paper » comme titre à cette exposition en référence à « Works on Paper ».

Emily Laurent Henderson, conservatrice qui dirige l’exposition Worlds on Paper.
Pendant qu’elle naviguait à travers les dizaines de milliers d’œuvres, la conservatrice a eu l’impression que les artistes traduisaient leur monde et leur vie au graphite, à l’encre et au crayon de couleur : « Il s’agissait notamment de scènes domestiques axées sur la nourriture, les rassemblements et la famille, sur la vie vécue sur et avec la terre, sur les réactions à la police et au clergé, qui représentaient une nouvelle présence sur le territoire tout au long du XXe siècle ».
Pour faire sa sélection, Emily Laurent Henderson s’est dans un premier temps concentrée sur la sauvegarde des œuvres en faisant des regroupements qui privilégiaient la couleur, la texture ou la symétrie et en travaillant d’un point de vue visuel.
Plus elle travaillait avec les archives, plus sa priorité se déplaçait vers les histoires personnelles et communautaires qui étaient racontées. Avec ce sujet en main, il est ensuite devenu plus facile de faire des sélections.
« Il y a tellement de choses que nous pouvons apprendre de ces œuvres qui n’ont pas été beaucoup vu depuis des décennies », soulève la conservatrice.
À l’époque, un peu plus de 2 000 dessins avaient été transformés en estampes, ce qui signifie que le reste des 90 000 œuvres n’a jamais été commercialisé.
En plus de révéler des œuvres méconnues de certains des artistes les plus appréciés du pays tels que Kenojuak Ashevak, Pitseolak Ashoona, Kananginak Pootoogook et Pudlo Pudlat, l’exposition présente des artistes jusqu’alors inconnus dont le travail n’a pas été mis de l’avant en raison des objectifs du programme d’estampe qui privilégiait les goûts des marchés colonisateurs du Sud.
Qavavau Manumie est l’un des derniers artistes vivants à avoir des œuvres dans les archives et fait partie de la dernière génération d’artistes de Kinngait à être acclamé par la critique dans le Sud, avec des expositions individuelles à Toronto en 2008, Vancouver en 2009 et Victoria en 2012.

Plus de 200 oeuvres ont été sélectionnées pour être présentées au public.
La reconnaissance de l’art inuit
Emily Laurent Henderson souligne que l’art inuit est largement reconnu dans le monde entier et estime qu’il est important que tous les Canadiens connaissent bien l’histoire et l’importance des contributions créatives et culturelles des Inuit sur la scène mondiale.
« À partir de cette exposition, j’espère que les visiteurs inuit pourront s’identifier à des choses de leur propre vie, de leurs souvenirs et de leur famille. Pour les non-Inuit, j’espère qu’ils repartiront avec une plus grande appréciation du dessin en tant que médium dans l’art inuit, ainsi qu’une compréhension plus profonde de cette époque de l’histoire et de l’impact ressenti par les communautés inuit »
L’art inuit est collectionné au McMichael depuis son ouverture et l’art de Kinngait a toujours fait l’objet d’un centre d’intérêt particulier; de nombreuses expositions ayant été consacrées à cette communauté au cours des dernières décennies.