
Projet journalistique Nunavik 1975-2025
Grâce à une bourse d’excellence octroyée par l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ), l’auteur nous livre une série de reportages ou entrevues exclusifs sur le Nunavik, cette région au Grand Nord du Québec.
Ce titre général évoque l’imminent 50e anniversaire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ), dont sont issues les instances actuelles du Nunavik.
Venu du sud de l’Ontario il y a 35 ans et marié à une Inuit, il porte plusieurs chapeaux au sein de la communauté : responsable de l’aide juridique, commissaire scolaire, et sergent dans les Rangers, ce corps de réserve de l’armée canadienne au Grand Nord.
« Établis en 1948 pour assurer une meilleure couverture de l’immensité nordique, nos effectifs occupent souvent en même temps d’autres emplois dans leur village. Et ils sont majoritairement issus des peuples autochtones, comme ici les Inuit »
Une initiative de Puvirnituq : les Rangers juniors
Les Rangers présentant comme atout majeur leur fine connaissance du terrain, on leur a confié l’inspection des stations radar, la détection des équipements abandonnés, l’aide aux opérations de sauvetage. « Auxiliaires à temps partiel des Forces armées – dont les effectifs ne pourraient pas couvrir seuls les 9,8 millions de km carrés du territoire canadien – les Rangers patrouillaient donc déjà les régions du Grand Nord, poursuit M. Scott. Paulusie Novalinga, chef de la patrouille de Puvirnituq, a alors initié vers 1990 un programme destiné aux 12 à 18 ans : les Rangers juniors. Les autres localités du Nunavik ont suivi, comme celle d’Aupaluk, que j’ai créée il y a 26 ans ».

Aupaluk (en inuktitut : là où c’est rouge), à l’Ouest de la baie d’Ungava.
Orientation « carte et boussole »
Et ce qu’on voit ici, dans le gymnase scolaire un soir de semaine, est bien léger en comparaison des entrainements en extérieur, que la patrouille tient dans les congés scolaires. « On s’exerce au repérage dans la toundra (du type carte et boussole) et à la maitrise de signaux de détresse ; par exemple en balisant une piste d’atterrissage improvisée pour un avion de secours. Avec aussi des activités traditionnelles : chasse, pêche, cueillette ». Le programme est appuyé par le 2e Groupe des Rangers, basé à Saint-Jean-sur-Richelieu. Leur commandement tient chaque été, sur la base militaire de Valcartier, près de Québec, un camp d’entraînement pour les juniors de toutes les régions. Avec aussi une vision de recrutement : « Certains de nos juniors intégreront ensuite les Rangers adultes, souligne Martin ».

Une personnalité de caractère : Paulusie Novalinga
Né en 1955 dans un iglou, ce natif de Puvirnituq a vécu plusieurs chapitres de l’Histoire du Nunavik : les derniers temps de la société semi-nomade, qui peu à peu se sédentarisait, puis les écoles fédérales (qui punissaient les élèves parlant inuktitut), ensuite les tractations vers la Convention de la Baie-James en 1973-75 — et le mouvement des dissidents à la CBJNQ, dont Puvirnituq a été le centre politique. Interprète, guide de chasse, membre des Rangers et deux fois maire de son village, ce conteur hors-pair peut entretenir des heures de conversation.
Les plus et les moins de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois
Si on renégociait l’ensemble de la CBJNQ, que conserver ? Que changer en priorité ? Martin Scott répond à titre de commissaire scolaire représentant Aupaluk :
« Le Ministère de l’Éducation comprend bien mieux qu’auparavant nos réalités en régions éloignées, avec de réels efforts d’adaptation : un même établissement de la maternelle au secondaire, avec une intégration des trois langues : inuktitut/français/anglais. Et on loge ici dans un édifice tout neuf… alors que d’autres villages nunavikois sont souvent dotés de bâtiments vétustes. Sur la possibilité de prolonger en inuktitut au 2e cycle du primaire – voire au secondaire – Québec reconnait que nous sommes les mieux placés pour développer les programmes (mathématiques, géographie, etc.). Mais c’est un énorme défi que de tout créer de A à Z ! ».
« Et toute l’embauche reste problématique. Contrairement à Makivvik ou l’ARK, offrant des conditions plus compétitives, l’éducation est régie ici par des conventions d’emploi de l’ensemble du Québec; ce qui explique qu’on manque d’enseignants, de formateurs spécialisés, d’orthophonistes. Et chaque fois qu’on crée un nouveau poste, se pose la question du logement : où donc habitera notre nouvelle recrue ? » Néanmoins, l’école locale manque moins de personnel qu’ailleurs. Pourquoi ? L’Ontarien qui a fait sa vie ici conclut en souriant : « Aupaluk est une belle communauté; la vie est agréable ! »