C’est dans une salle comble que le ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, Gary Anandasangaree, a présenté le 27 février dernier des excuses au nom du gouvernement fédéral, qualifiant « d’échec » les relocalisations de Dundas Harbour, ajoutant que le Canada a laissé tomber les Inuit touchés.
Entouré de Lori Idlout, députée fédérale du Nunavut, Paul Irngaut, vice-président de la Nunavut Tunngavik Inc (NTI) et David Akeeagok, ministre et député du territoire, Gary Anandasangaree a reconnu que ces excuses arrivaient beaucoup trop tard; la majorité des aînés qui les attendaient étant aujourd’hui décédés.
Un fardeau intergénérationnel
Gary Anandasangaree a salué le courage, la détermination, la résilience et les plaidoyers des personnes touchées pour en arriver à ce point de reconnaissance :
« Pour vous avoir arrachés à vos foyers et à vos familles, pour les épreuves que vous avez subies, pour les déplacements et les ruptures de liens de parenté avec la nuna (terre), et pour les promesses non tenues, nous vous présentons nos excuses les plus sincères. Nous sommes désolés. Mamianaq »
« Tragiquement, de nombreux Inuit sont décédés prématurément de chagrin, et le désir ardent de rentrer chez soi est resté une blessure constante et inguérissable », a-t-il poursuivi.

Ces excuses étaient grandement attendues dans la communauté d’Arctic Bay.
Même si elle se félicite de ces excuses officielles, Lucy Qavavauq, membre de la Dundas Harbour Relocation Society affirme qu’elle aurait souhaité qu’elles se produisent beaucoup plus tôt. Pour Steven Cooper, avocat-procureur représentant de la Dundas Harbour Relocation Society, il est toujours dommage de constater le temps que ces revendications prennent avant que des mesures ne soient prises. Depuis 2010, Isaac Shooyook et Lisha Qavavauq réalisent des démarches pour demander justice pour les personnes relocalisées et leurs familles.
« Ces réclamations prennent en moyenne 10 ans, soit au moins cinq fois le temps qu’elles devraient prendre. C’est particulièrement problématique compte tenu de l’âge des personnes touchées. »
En 1934, un navire a transporté 52 Inuit et 109 chiens en provenance de Kinngait, Pangnirtung et Pond Inlet jusqu’à Dundas Harbour, un poste abandonné de la GRC sur l’île Devon. La Compagnie de la Baie d’Hudson souhaitait y établir des postes de traite et y a fait venir des Inuit pour chasser. Deux ans plus tard, le poste a été fermé. Ces déplacements ont été effectués au nom de la revendication de la souveraineté du Canada sur l’Arctique.
Au cours des années suivantes, certains Inuit ont été relocalisés à plusieurs reprises malgré la promesse d’être renvoyés dans leur communauté d’origine. Certains d’entre eux ont vécu quatre relocalisations en une douzaine d’années.
« Ils ont fait des promesses sans réelle intention de les mettre en œuvre. La douleur et la souffrance de ces actions imprègnent le traumatisme intergénérationnel. »
Aller de l’avant
À la fin de son discours, Gary Anandasangaree a reçu des applaudissements chaleureux et une ovation debout. Steven Cooper déclare que ses clients et lui-même ont été ravis de la cérémonie et des excuses sincères présentées par le ministre. « Vous ne pouvez pas changer l’histoire, mais vous pouvez la reconnaître et en tirer des leçons. C’est ce qui s’est passé avec cette cérémonie. De telles excuses permettent aux gens de pardonner, mais évidemment de ne pas oublier. Cela fait partie de la guérison et de la réconciliation et, oui, cela leur permet d’aller de l’avant ». Pour l’avocat-procureur, les années de travail et d’inquiétude pour donner à ces personnes ce qu’elles méritent en valaient la peine : « Les gens ne pensent pas à l’argent. Les gens ne pensent pas à la politique. Ils pensent à leurs familles et au fait que le gouvernement responsable de la tragédie a accepté la responsabilité et s’est excusé. »
Plusieurs membres du conseil d’administration et du personnel de la Qikiqtani Inuit Association (QIA) étaient à Arctic Bay pour entendre les excuses et organiser l’événement. L’organisation confirme également avoir bien accueilli le discours du ministre. Pour sa part, P.J. Akeeagok, premier ministre du Nunavut a tenu à exprimer sa gratitude à toutes les personnes qui se sont battues pendant des décennies pour obtenir ces excuses historiques.
Ottawa annonce un financement pour la conservation dans la région de Qikiqtani
En marge de l’événement, le premier ministre Justin Trudeau, accompagné du président de l’Association inuit du Qikiqtani (AIQ), Olayuk Akesuk, a annoncé l’octroi de 270 millions de dollars pour des efforts de conservation dans la région de Qikiqtani.
L’accord « Sinaa », terme qui signifie « la lisière de la banquise » en inuktitut, comprend un financement de 200 millions de dollars du gouvernement du Canada, ainsi que 70 millions de dollars de donateurs philanthropiques du Canada et du monde entier.
Ce financement servira à protéger les terres et les eaux dans la région de Qikiqtani, qui représente près de 800 000 kilomètres carrés. Le but est aussi de travailler à la réalisation de l’objectif de conserver 30 % des océans du pays d’ici à 2030.
Cet accord important prévoit notamment un nouveau plan de conservation visant l’établissement d’un réseau solide et durable de zones de conservation des eaux et des terres proposées et protégées par les Inuit dans l’Arctique canadien.