Un grand soleil, un ciel bleu arctique d’une pureté rare : tous les éléments étaient réunis pour une belle inauguration du nouveau magasin alimentaire communautaire Qinnirvik. Les yeux embués par l’émotion, Francine Doucet a eu les premiers mots de remerciement, accompagnée par la député fédérale Lori Idlout, le vice-président de Nunavut Tunngavik Inc (NTI) Paul Irngaut, mais aussi Janet Pitsiulaaq Brewster, députée d’Iqaluit.
« C’est vraiment un grand moment, tout le monde est très heureux de cette ouverture. Notamment pour le caribou, qui est une viande très populaire dans la région de Baffin. Pouvoir venir ici, en acheter dans un magasin, oui c’est une grande célébration » introduit Francine Doucet, qui est également co-directrice du centre communautaire Qajuqturvik, la maison mère de ce projet.

Francine Doucet découpe le ruban d’inauguration du magasin Qinnirvik, le 28 février.
Lutter contre l’insécurité alimentaire
Au moment de franchir la porte de l’épicerie, les gens ne s’y trompent pas. Des ombles chevaliers, du phoque, du caribou ou encore du bœuf musqué garnissent les congélateurs contre le mur du bâtiment fraîchement rénové. Côté vrac, le choix est large et varié : pâtes, riz, lentilles, dans une ambiance parfumée par une multitude d’épices. On y trouve également farines, fruits séchés et bases de soupe. Un objectif simple : donner un accès abordable aux produits de chasse et de pêche, permettant de partager la nourriture traditionnelle avec la communauté.
« Il y avait des lacunes à Iqaluit pour avoir une source fiable d’aliments traditionnels. Certes, beaucoup de gens chassent ou pêchent ici, mais c’est une économie de partage avec la famille, les proches, les amis. Tout le monde n’est pas connecté à ces réseaux donc il y a des difficultés à trouver ces aliments en ville avec régularité », explique Joseph Murdoch-Flowers, co-directeur.
« Dans la capitale, beaucoup d’Inuit n’ont plus le temps de chasser » ajoute Paul Irngaut, vice-président de NTI.

L’ouverture du nouveau magasin a également permis des créations d’emplois.
Le concept reprend ce qui est pratiqué à Qajuqturvik, situé de l’autre côté du mur : trois gammes de prix afin de payer selon ses moyens : bas, moyen et plein tarif. « Notre programme se construit dans une vision qui vise à augmenter l’accès alimentaire. Le choix est laissé au consommateur. Pour combattre l’insécurité alimentaire, il faut se retourner autour des aliments inuit » poursuit Joseph Murdoch-Flowers dans un français parfait. Pour Francine Doucet, ce nouveau magasin démontre une faculté pour les Inuit « à reprendre le pouvoir sur nos systèmes alimentaires », avant d’ajouter : « Construire un avenir autour de l’alimentation traditionnelle, c’est défendre notre santé et notre bien-être ».
Rémunérer la chasse
Pour mener à bien ce projet, Qinnirvik s’appuie sur leur partenaire Project Nunavut afin de se construire un réseau de chasse. Une enveloppe de 141 000$ a déjà été répartie entre 21 chasseurs sur tout le territoire : Qikiqtarjuaq, Clyde River, Taloyak, Arctic Bay, Nauujat et Arviat. L’été, l’organisation à but non lucratif se tourne également vers une pêche plus locale, ici à Iqaluit.
« Rémunérer la chasse a un impact important sur les communautés et pour le territoire. On paye les chasseurs pour leur travail, qui d’une pêche personnelle au départ vont pouvoir viser plus large. Nous voulons introduire la chasse comme carrière » affirme Joseph Murdoch-Flowers.

Pour le vice-président de NTI Paul Irngaut, cette ouverture pourrait permettre de créer des vocations de chasseur au sein de la nouvelle génération.
La député fédérale Lori Idlout y voit une grande opportunité pour le développement économique autour de la chasse et de la pêche, avec comme moteur la capitale nunavummiut. De quoi susciter à nouveau des vocations auprès de la jeune génération inuit ? « Oui, c’est ce que je pense. C’est une opportunité de pouvoir donner ou vendre de la nourriture traditionnelle ici à Iqaluit qu’on n’avait pas auparavant » conclut Paul Irngaut.
Le magasin est ouvert du mercredi au vendredi entre 11h et 18h, et de 10h à 17h le samedi.