le Vendredi 18 avril 2025
le Mercredi 19 mars 2025 8:00 Local

Au service de la faune, du sud de la France jusqu’aux confins du Grand Nord

Arrivé en 2012 au Canada, Clément Chevallier est spécialisé dans la protection des écosystèmes dans l’Arctique. — Fournie
Arrivé en 2012 au Canada, Clément Chevallier est spécialisé dans la protection des écosystèmes dans l’Arctique.
Fournie
Débarqué au Canada en 2012 pour étudier les renards arctiques sur l’île Bylot, Clément Chevallier est tombé sous le charme du Nunavut, jusqu’à obtenir sa citoyenneté il y a quelques mois. Portrait d’un amoureux de la nature, spécialiste des écosystèmes côtiers pour Environnement Canada.
Au service de la faune, du sud de la France jusqu’aux confins du Grand Nord
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Pour un inconditionnel amoureux de la nature, le Canada est une destination toute trouvée. Les plus téméraires céderont à l’appel du Grand Nord et son environnement extrême, comme ici au Nunavut. Clément Chevallier fait partie de cette catégorie. Une quarantaine de degrés et plusieurs milliers de kilomètres le séparent de son sud de la France natal, à Saint-Affrique, petite bourgade située dans le département de l’Aveyron, entre Toulouse et Montpellier.

Passionné par les animaux et le plein air depuis son enfance, il pose un premier pied sur la glace arctique en 2012 pour étudier les renards polaires, alors doctorant à Rimouski, au Québec. « Quand je suis arrivé à Resolute, c’est clair que c’était plus froid que dans le sud de la France. Ce blanc à perte de vue… tout est monochrome et impressionnant. C’était différent sur l’île Bylot : un paysage incroyable, une grande visibilité. C’était très intéressant pour mon travail de recherche : on pouvait voir des renards arctiques à des kilomètres, des ours polaires aussi » se souvient-il, avec encore cette petite pointe d’accent si caractéristique du Midi.

D’éclaireur de France aux renards arctiques du Nunavut

La fibre environnementale, ce Français de 37 ans l’a depuis son enfance. « Je partais un week-end par mois avec les Éclaireurs de France, un mouvement laïque. Je voulais ensuite devenir vétérinaire, puis chercheur » explique Clément. Il se dirige alors vers une maîtrise axée autour de la biodiversité et étudie les aigles de Bonelli, une espèce en voie de disparition : « Il y avait des mesures de conservation et il fallait estimer si elles étaient efficaces ou non. Mon directeur m’avait ensuite proposé de faire un doctorat sur les flamants roses et les mouettes rieuses autour du bassin méditerranéen ».

Financer une thèse en France n’est pas une tâche aisée. Après deux échecs aux concours pour une bourse doctorale, Clément Chevallier porte son regard vers l’étranger, dans un environnement francophone. Une opportunité de recherche se présente au Québec, pour six années de doctorat : « Le laboratoire étudiait les renards arctiques. Ils collectaient des données depuis dix ans. Il fallait analyser les populations, mon objectif était de travailler sur ce qu’on appelle le capture-marquage-recapture. On peut étudier la survie, la reproduction, les dynamiques… ».

Tous les étés, il s’envole au nord du 63e parallèle et au-delà pour y passer trois mois sous tente à observer et étudier la faune arctique. Une découverte du Nunavut qui posera les fondations de son avenir canadien, dans des conditions souvent rudimentaires.

« On était soumis aux aléas climatiques en permanence. Trois mois sans électricité, sans eau, sans douche… Bon les choses ont changé depuis, maintenant on a plus de matériel. Le travail de terrain est bien différent désormais par rapport à 2012 » se remémore le chercheur.

Passionné par les animaux depuis sa jeunesse, l’immensité arctique lui offre un magnifique cadre de travail.

Fournie.

Protection des écosystèmes côtiers pour Environnement Canada

Après avoir validé son doctorat en 2018, Clément repart sur le terrain pour former d’autres doctorants. Il décroche ensuite un contrat pour travailler sur les bélugas dans le fleuve Saint-Laurent, avant d’ entreprendre une traversée du Canada en van. Direction l’ouest et Whitehorse, au Yukon, avec un itinéraire entrecoupé par quelques entretiens d’embauche, dont un pour un poste de technicien chez Parcs Canada, à Iqaluit :

« La décision n’a pas été longue à prendre. On n’avait pas vraiment d’amis sur place avec ma conjointe à l’époque, mais on connaissait bien la ville. On savait où on mettait les pieds. L’accueil a été super ! »

Nouveau chef d’équipe au Parc national Qausuittuq dans le Haut-Arctique, l’aventurier voit malheureusement la Covid-19 mettre un coup d’arrêt dans ses activités : « Il n’y avait plus de travail de terrain. C’était un peu difficile pour l’intégration, avant d’avoir eu le temps de créer des premières amitiés. »

Un retour temporaire vers le sud du Canada durant quelques mois puis le bouche à oreille fait son effet : Environnement Canada recrute pour ses aires de protection, fin octobre 2020. « Mon superviseur a pensé à moi quand il a entendu parler de ce poste. J’ai candidaté puis j’ai eu le job » explique-t-il. Ces aires de protection présentent deux catégories : les réserves nationales de faune, marines et terrestres, ainsi que les refuges d’oiseaux migrateurs. « Tout ce qui touche à la gestion des aires protégées d’Environnement Canada est revu par les comités de gestion des aires, dont les permis délivrés. On n’a pas de vocation touristique comme Parcs Canada, nous travaillons sur tout le volet conservation et protection » précise Clément Chevallier, qui s’occupe notamment du suivi des populations d’oiseaux et la construction de refuges.

La citoyenneté : « Un choix de cœur »

Quand on entreprend un projet d’immigration, le processus n’est jamais un long fleuve tranquille. Le mal du pays, les démarches administratives… des moments de doute peuvent survenir tout naturellement. Mais parfois, des projets, pourtant temporaires au départ, se transforment en une belle histoire. « À mon arrivée au Canada, j’avais l’idée de rentrer en France. Et finalement… je me suis senti mieux ici. Quand je suis venu à Iqaluit, il y avait beaucoup d’inconnu. L’objectif était de rester trois ans » reconnaît désormais cet Iqalummiut d’adoption. Le temps passe et le courant passe bien avec le style de vie nordique, plus isolé. « Je n’ai jamais été trop fait pour les grandes villes » sourit-il.

Permis d’étude, permis fermé, résident permanent, Clément Chevallier s’est ensuite lancé dans le processus de citoyenneté, plus de dix ans après son arrivée sur le sol canadien.

« Ce n’était pas un objectif au départ. C’est devenu un choix de cœur. Je suis Français dans le sang, Canadien d’adoption. Je me suis créé une vie ici, j’ai rencontré du monde, eu des opportunités. J’avais envie de pleurer au moment de la cérémonie. J’aurais pu ne jamais faire la démarche, mais c’était mon choix de devenir un nouveau citoyen canadien. »

— Clément Chevallier

Quel avenir lui tend les bras désormais ? Une installation à très long terme à Iqaluit ? « J’y pense » conclut le néo citoyen canadien.