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Le projet hydroélectrique d’Iqaluit sème son lot de questions

La réunion publique a réuni une soixantaine d’Iqalummiuts, qui sont repartis avec des avis partagés sur ce projet hydroélectrique. — Crédit : Nunavut Nukkiksautiit Corporation.
La réunion publique a réuni une soixantaine d’Iqalummiuts, qui sont repartis avec des avis partagés sur ce projet hydroélectrique.
Crédit : Nunavut Nukkiksautiit Corporation.
Nunavut Nukkiksautiit Corporation (NNC), une compagnie de développement énergétique du Nunavut, continue sa progression dans la réalisation du projet Iqaluit Nukkiksautiit, qui vise à assurer la souveraineté énergétique d’Iqaluit et à réduire au minimum la dépendance au diesel.
Le projet hydroélectrique d’Iqaluit sème son lot de questions
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Une soixantaine d’Iqalummiut se sont déplacés le 28 janvier dernier pour assister à la séance publique « Let’s Talk Water Power » et débattre du projet de centrale hydroélectrique. Ce projet en cours de conception et de proposition sur le site de Kuugaluk, à environ 60 kilomètres au nord d’Iqaluit vise à remplacer la centrale diesel, qui ne servirait plus qu’en cas d’urgence ou en cas de maintenance de l’installation.

L’objectif est de fournir suffisamment d’énergie hydraulique pour répondre aux besoins en électricité de la ville dans l’avenir, soit 15 mégawatts alors qu’à l’heure actuelle, la charge de pointe d’Iqaluit en hiver est d’environ 11 mégawatts.

Le 4 février dernier, le ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, Gary Anandasangaree a fait une annonce importante pour l’avancement du projet en confirmant un nouvel investissement de 6 millions de dollars pour assurer des travaux d’ingénierie et de conception.

Vers une souveraineté énergétique ?

Organisée par NNC, la consultation publique visait à faire le point sur le projet et sur le travail à venir au cours de l’année, qui comprend des études archéologiques, géotechniques et environnementales de base.

« Ces données, ainsi que les données sur le débit de la rivière qui sont déjà recueillies, nous permettront de mieux comprendre la capacité du site, s’il y a des éléments d’importance culturelle qui doivent être protégés et, bien sûr, comment les animaux terrestres, les oiseaux et les poissons se déplacent dans cette zone et l’utilisent » affirme Jess Puddister, gestionnaire de la stratégie et des opérations pour Nunavut Nukkiksautiit Corporation. 

L’entreprise souhaitait aussi que la communauté fasse entendre sa voix en sondant leur intérêt par exemple, sur cette construction qui permettrait de vendre de l’électricité à un client industriel.

Selon Jess Puddister, les principaux avantages sont la souveraineté énergétique, la réconciliation économique grâce à la propriété des infrastructures par les Inuit, la réduction prévue des coûts de production d’électricité et une diminution significative des émissions de carbone au Nunavut.

« Ce projet représente une étape importante pour le Nunavut dans sa contribution à l’action climatique et à la protection des terres, de l’air, des eaux et de toute la faune et de la flore d’Iqaluit contre la pollution et les déversements de carburant. »

— Jess Puddister, gestionnaire de la stratégie et des opérations pour Nunavut Nukkiksautiit Corporation

Questionnée sur les impacts du projet, l’entreprise ne nie pas l’existence de conséquences environnementales, sociales et économiques et invite la communauté à se demander quels sont les impacts qu’elle est prête ou non à accepter.

Jess Puddister affirme qu’aucune organisation à Iqaluit n’a exprimé collectivement qu’elle n’était pas d’accord avec la mise en œuvre de l’énergie renouvelable.

Toujours selon elle, certaines personnes auraient cependant exprimé soit des doutes sur la viabilité de l’énergie renouvelable, soit des inquiétudes quant aux impacts environnementaux ou sociaux potentiels.

Des avis partagés

Présente à la séance de consultation, Lynda Gunn, résidente d’Iqaluit, affirme à l’heure actuelle, ne pas être en mesure d’apporter son soutien au projet : « Les informations sur les avantages et les inconvénients des options durables telles que la production d’énergie éolienne, qui ont été présentées, par rapport à celles de l’énergie solaire, n’étaient pas complètes ». Elle se questionne aussi sur la nécessité de construire une route.

Pour sa part, James Stanley Little se dit très favorable au projet, mais ressort insatisfait de la séance de consultation. Il soutient que l’aspect essentiel dans la réalisation du projet est le soutien de la communauté :

« Les Inuit s’opposent fermement à tout ce qui nuit à la nature qu’il s’agit de la migration des caribous, des stocks de poissons, des oiseaux nicheurs, etc., et à juste titre. Leur présentation n’a pas aidé la cause. Ils étaient mal préparés, sans aucune indication qu’ils avaient fait des recherches avec aucune mention des conditions arctiques ou des options de construction. »

— James Stanley Little, résident d'Iqaluit

Herb Eaton n’a pas été en mesure d’assister à la réunion, mais a lu le rapport de la Qulliq Energy Corporation sur ce projet. Il est très intéressé par l’avenir énergétique du Nunavut et soutient en général toutes les sources d’énergie propres et renouvelables, à condition qu’elles soient à la fois économes en énergie et rentables.

« Notre infrastructure énergétique vieillit et la QEC dépense des sommes importantes pour entretenir de l’équipement ancien, dont certains ont dépassé leur durée de vie utile. Étant donné que d’importants investissements en capital sont déjà faits pour remplacer les génératrices diesel, il vaut la peine de se demander si le diesel est le bon choix à long terme pour la production d’électricité au Nunavut. »

— Herb Eaton, autre résident

Selon lui, la technologie de production d’énergie a considérablement progressé depuis la création du Nunavut et l’hydroélectricité, la géothermie et le nucléaire représentent des technologies viables sur le territoire. Il se dit d’ailleurs curieux de savoir si ces deux dernières sources d’énergie ont été prises en compte dans ce projet. « Je m’intéresse particulièrement au potentiel de la technologie nucléaire pour le Nord. Le Nunavut a le défi unique d’alimenter 25 collectivités éloignées, dont la plupart sont trop petites ou ne conviennent pas à l’hydroélectricité. Un barrage peut fonctionner pour Iqaluit, mais qu’en est-il des 24 autres collectivités ? », conclut-il.