le Vendredi 18 avril 2025
le Mercredi 5 février 2025 8:00 Société

Le milieu communautaire dans le flou à la suite de la démission de Justin Trudeau

La démission de Justin Trudeau laisse planer des incertitudes à long terme pour les OBNL.  — Crédit : Inès Lombardo - Francopresse
La démission de Justin Trudeau laisse planer des incertitudes à long terme pour les OBNL.
Crédit : Inès Lombardo - Francopresse
L’annonce du début d’année de la démission du premier ministre du Canada Justin Trudeau laisse planer un nuage d’incertitudes sur les organismes francophones à but non lucratif du pays. Ces organisations dépendent en partie de subventions du gouvernement du Canada pour la poursuite et l’ajout de programmes dans leur communauté.
Le milieu communautaire dans le flou à la suite de la démission de Justin Trudeau
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En 2023, sous le gouvernement de Justin Trudeau, un investissement historique en langues officielles a été réalisé.  

En annonçant son Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 : Protection-promotion-collaboration, le gouvernement du Canada engageait 1,4 milliard de dollars en investissement nouveau sur cinq ans et se donnait comme objectif de mettre en place les conditions afin d’assurer une égalité réelle entre le français et l’anglais au pays.

Principal porte-parole de la francophonie en Saskatchewan, l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) s’est rapidement prononcée à la suite de la démission de Justin Trudeau.

« Le premier ministre Trudeau a fait beaucoup pour défendre les communautés francophones minoritaires au pays. Son engagement envers le développement de nos communautés et la protection de la langue française au pays sont parmi les caractéristiques qui définiront son mandat comme premier ministre, » a déclaré par voie de communiqué le président de l’ACF, Denis Simard.

Le soutien aux médias communautaires en question

Pour Nicolas Jean, président sortant de Réseau.Presse, la démission du premier ministre Trudeau est certainement un événement marquant, mais ne représente qu’un facteur parmi plusieurs autres qui pourrait influencer l’avenir de programmes comme l’Initiative de Journalisme Local (IJL).

« L’arrivée d’un nouveau chef au Parti libéral pourrait s’accompagner de priorités distinctes qui pourraient influencer les programmes dont bénéficie notre réseau, mais nous avons bon espoir que le gouvernement libéral actuel continuera de soutenir les médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) », affirme-t-il.

Il croit que si des élections sont déclenchées ce printemps, le changement de gouvernement et un réajustement des priorités fédérales pourraient affecter les mesures de soutien dont bénéficient les médias du réseau.

« Dans ce contexte, nous continuons de suivre la situation de près et espérons que les programmes soutenant le journalisme local demeurent une priorité pour le gouvernement fédéral, quel qu’il soit », ajoute Nicolas Jean.

Nicolas Servel est directeur général de Médias Ténois qui inclue le journal l’Aquilon ainsi que Radio Taïga dans les TNO. Il estime également que la situation actuelle apporte un certain climat d’incertitude, mais se dit peu inquiet pour le moment.

« Je n’ai pas l’impression que ce sera à court terme qu’on verrait des changements. Il me semble qu’il y a plusieurs programmes qui sont déjà lancés avec le Plan de revitalisation sur les langues officielles et qu’il y a des mesures qui sont en place jusqu’en 2028. Je ne suis pas sûr qu’on reviendrait en arrière sur ces questions-là. C’est peut-être plus l’après qui est incertain », déclare l’homme derrière Médias Ténois.

Dans le passé, l’organisation a vécu des périodes difficiles avec beaucoup moins de subventions.

« Là, on aurait du mal à se passer des financements qu’on a actuellement bien sincèrement, mais je dirais qu’à court terme, on a suffisamment de sécurité et d’engagement. Mais à moyen terme, dépendamment des changements de personnalités et de vision politique qui vont prendre le pouvoir dans les prochains mois, il se pourrait que ça change puis c’est certain qu’on va surveiller de près l’évolution des choses. »

— Nicolas Servel, directeur général de Médias Ténois

Un point important à souligner selon Nicolas Jean est que des enjeux externes, comme une éventuelle guerre des tarifs avec les États-Unis, pourraient aussi avoir des répercussions importantes sur l’échiquier politique et économique canadien, notamment sur la capacité des médias à générer des revenus autonomes.

Des fonds essentiels

Selon Christian Ouaka, directeur général de l’Association des francophones du Nunavut (AFN), même si certains financements sont confirmés de façon pluriannuelle sur une période allant de trois à cinq ans, il espère qu’un changement de gouvernement n’impactera pas drastiquement la vie des communautés avec des coupes budgétaires.

« Le travail abattu dans nos communautés par nos organismes est colossal. Un financement constant est important pour maintenir la dynamique existante, voire l’améliorer davantage. »

— Christian Ouaka, directeur général de l'AFN

À court terme, c’est la rapidité de traitement des demandes de subventions et de versements qui inquiète Nicolas Servel. En 2024, par exemple, Médias Ténois attendait plusieurs retours concernant des demandes de subventions pour débuter des activités à partir du mois d’avril et certaines réponses ne sont qu’arrivées entre mai et juillet.

« On a besoin des fonds de roulement pour maintenir des activités en place et pour en engager des nouvelles », révèle-t-il. « Ce que j’espère c’est que le gouvernement va considérer ces échéances avec sérieux pour qu’on puisse continuer de fonctionner sans difficulté », poursuit Nicolas Servel. « La plus grosse inquiétude à ce moment-ci pour Médias Ténois concerne l’initiative de journalisme local côté radio alors que l’organisation en est encore à l’étape de pouvoir réaliser la demande de financement.»

Sur une note plus positive, il souligne que les médias communautaires sont tout de même dans une belle période alors qu’il y a longtemps qu’il n’y a pas eu autant de fonds et de projets disponibles dans le réseau.