
Projet journalistique Nunavik 1975-2025
Grâce à une bourse d’excellence octroyée par l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ), l’auteur nous livre une série de reportages ou entrevues exclusifs sur le Nunavik, cette région au Grand Nord du Québec.
Ce titre général évoque l’imminent 50e anniversaire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ), dont sont issues les instances actuelles du Nunavik.
Né en 1964 à Kangiqsualuajjuaq mais établi ici depuis trente-cinq ans, il est âgé d’onze ans lorsque la Convention de la Baie-James a été signée, en 1975. « J’ai le souvenir des anciennes écoles fédérales, que j’ai fréquentées, enfant. Je me souviens encore des coups de règle sur les doigts ! Puis, adolescent, j’ai complété ma scolarité sous le régime de la nouvelle Commission scolaire Kativik. Le passage d’un monde à l’autre… ». Il a souvent, plus jeune, joué au hockey à l’aréna, qui depuis deux ans est fermé pour rénovations. Et maintenant élu maire du village (après avoir été maire-adjoint), il sait que la situation est paradoxale.

Tasiujaq (en inuktitut : qui ressemble à un lac) est situé sur un prolongement de la baie d’Ungava, qui n’est donc pas une étendue d’eau douce… même si cela « y ressemble ».
L’impact du réchauffement climatique
« L’édifice date de l’époque où on construisait directement sur le pergélisol, par définition gelé en permanence; donc sans préoccupations pour le gel/dégel. Et effectivement, il a été utilisé des décennies durant. Mais depuis quelques années, le changement climatique a provoqué l’afflux d’eau dans le sol, qui n’arrive pas à se drainer naturellement, causant des problèmes à la structure. Certains disent qu’on peut le rénover, d’autres qu’il vaudrait mieux reconstruire ailleurs. On travaille à trouver la meilleure solution. En attendant, on a au moins la patinoire extérieure, qui fonctionne durant les mois d’hiver ».
Une nouvelle technique de construction
En comparaison, le projet du nouveau Centre de sports et loisirs (aussi appelé le gymnase) est allé bon train, grâce à un partenariat entre l’entreprise de construction Kautaq, subsidiaire de Makivvik, et le groupe CANAM, de Saint-Georges-de-Beauce, contracté pour l’ingénierie. À la Corporation foncière de Tasiujaq l’organisme promoteur, Markussie Annahatak explique que le respect du calendrier de réalisation vient d’une nouvelle technologie de fabrication de composantes préfabriquées. Les sections du nouveau bâtiment de 8000 p2 ayant été acheminées par bateau jusqu’à Tasiujaq ; au lieu d’une construction sur place de A à Z, le chantier local a donc plutôt ressemblé à un grand jeu de réassemblage.
Si bien que l’édifice a été inauguré en grande pompe en octobre dernier. Le maire s’en réjouit : « Le nouveau gym est très utilisé : le matin par les élèves de l’école locale Ajagudak, et l’après-midi et le soir par le reste de la population ». Au menu : volleyball (très populaire au Nunavik), basketball, et autres.
On connait les bienfaits des activités de sport et loisirs dans les petites communautés; autant qu’on connait les ravages suite à la fermeture de beaucoup d’établissements durant la pandémie. Raison supplémentaire pour imaginer le prochain établissement de sport et loisirs…
Pourquoi pas une piscine intérieure ?
« En été, les jeunes se baignent dans la rivière ; mais ce n’est pas sécuritaire. Aussi, comme l’endroit sert déjà aux pêcheurs pour arranger leurs prises, on y trouve des restes de poisson, et des déchets (cannettes, sacs de croustilles…). Ça nous prendrait une piscine couverte, utilisable à l’année. Pour les jeunes, pour les aînés ; en fait, pour tout le monde. Mais ce prochain projet, il faudra bien le planifier. Car les changements climatiques amènent ici des problèmes inconnus auparavant ».

Les plus et les moins de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois
Si on renégociait l’ensemble de la CBJNQ, que conserver ? Que changer en priorité ? Tommy Annanack répond :
« On aura bientôt près de Tasiujaq le cinquième parc national du Nunavik; rappelons que leur création découle d’un chapitre de la CBJNQ. Aussi, le transport par avion a été fortement amélioré; vers le Sud ainsi qu’entre tous nos petits villages. Tasiujaq est desservi par une dizaine de vols chaque semaine. C’est grâce à Air Inuit, fondé par Makivvik, la société publique propriété de l’ensemble des Inuits du Nunavik, aussi créée par la Convention ».
« Évidemment, il y a place à l’amélioration. Notre aéroport est desservi par des petits appareils, de style Twin Otter, limités dans leur capacité. Un plus gros avion donnerait un meilleur service, pour les passagers autant que pour le fret. Car, hormis la courte saison de navigation, qui permet la livraison de conteneurs dans nos villages sans routes, on dépend de l’avion pour le reste de l’année. Pour tout ! »
« On est mieux entendus dans l’évaluation des projets miniers. Par exemple, il y a quelques années, on s’est opposé à une exploitation près d’ici. Néanmoins, une renégociation de l’ensemble du régime reste nécessaire, pour qu’on regagne le contrôle sur le territoire ».