
L’absence de terre arable et de végétation en hauteur sur notre bout de lithosphère est un choc pour un nouvel arrivant, même bien informé, mais, après quelques jours, il se dit : « C’est ça qui est ça! ». Puis, il passe à autre chose, comme pour les prix exorbitants en épicerie ou la profondeur des nids-de-poule. Que connaissons-nous de ce sol lunaire accidenté et rude? Bien peu…
Pour des raisons géopolitiques, la question d’occupation du territoire revient dans l’actualité épisodiquement. Pour des raisons économiques, entre autres, nous devrions aussi nous intéresser à sa composition minéralogique. Paradis pour les géologues, le Nunavut?
Le Nunavoix vous offre le portrait d’une scientifique franco-ontarienne qui a fait de notre territoire son terrain de jeu éducationnel et son second chez soi. Lorraine Lebeau, géoscientifique et gestionnaire pour la Commission géologique du Canada est maintenant basée à Ottawa. Elle garde un chaleureux souvenir de ses années à Iqaluit.
En l’écoutant parler de ses débuts arctiques, on y retrouve l’excitation, la curiosité et l’impétuosité propre à la jeunesse. Un attrait pas encore défini pour le Nord, mais qui se matérialise à sa 4e année de baccalauréat sous la forme d’un stage comme assistante de terrain durant l’été.
Déplacements en hélicoptère d’où elle observe bœufs musqués ou caribous, séjours sous la tente accompagnée de collègues chercheurs et de locaux qui lui font découvrir la culture inuit, un été d’aventures et d’apprentissages qui lui confirme ce qu’elle pressentait : ce ne sera pas la dernière fois qu’elle viendra.
Un coup de cœur donc, tant pour les gens que pour le territoire, sa faune et sa flore.
L’opportunité s’est présentée sous la forme d’un poste de géologue au Bureau géoscientifique Canada-Nunavut sis à Iqaluit. Elle y passera deux années à échantillonner la toundra, créer des cartes géologiques pour le public ou faire l’inventaire des types de roches qui pourraient être intéressantes en recelant de métaux critiques comme le cuivre, par exemple.
Celui-ci, on le sait, devient dorénavant un joueur important pour la transition énergétique mondiale dans le déploiement à grande échelle de l’électricité renouvelable. Lorraine Lebeau a participé à l’identification de deux affleurements significatifs de cuivre durant son séjour.

Des traces d’or ou des formations de fer, il y a des équipes de scientifiques et de prospecteurs qui passent nos îles rocheuses au peigne fin en espérant y découvrir des filons exploitables. Et quand ils découvrent des gisements de soapstone ou de serpentine, cette roche verte assez rare recherchée par les sculpteurs locaux, ils partagent l’information aussitôt.
C’est en partie ici que Lorraine Lebeau a pu étudier la composition du Bouclier canadien, notre zone géologique datant de l’Ère précambrienne, sujet de ses études universitaires en sédimentologie.
C’est sur l’île de Baffin qu’elle a mis ses connaissances en action, en apprivoisant son nouvel environnement. Ses voyages nordiques lui ont permis d’apprécier les nuances culturelles de chaque communauté où elle a pu faire le plein d’art et assouvir sa soif de découvertes.
Quand on lui demande ce qui lui reste de tout ça, elle est catégorique : « Je suis toujours en amour avec le Nord, je vais toujours vouloir y retourner. Son art et sa culture sont très proches de mon cœur! »
Celle qui se considère maintenant à 100% ambassadrice pour le Nunavut apporte désormais sa pierre à l’édifice en ne manquant jamais une occasion de partager ses expériences boréales.
On le sait, plusieurs gens vont et viennent du Sud au Nord, mais n’en reviennent jamais véritablement…